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### La vie sans lui... et après ###
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Kazy
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MessagePosté le: 07 Juil 2003 06:10 pm    Sujet du message: La vie sans lui... et après Répondre en citant

Ceci est une fic co-écrite avec Genevieve, bonne lecture,

Biz,
Kazy


La vie sans lui… et après !



Joy Arden sortit de son lit, lentement, le visage pâle, des cernes plus lourds que des valises, le regard vide, et une fatigue insoutenable. Elle prit une douche, déjeuna à peine, et s’habilla, dans une morne routine. Elle arriva au Groupe sans même s’en rendre compte. Elle n’était plus que le fantôme d’elle-même. Simon aussi, d’ailleurs. Il avait perdu toute sa joie de vivre, malgré l’espoir inouï qu’un – beau – jour, tout redevienne comme avant. Kerensky, lui tenait mieux le coup. Enfin… En apparence. Elle savait bien qu’il le vivait mal. Presque trois mois. Presque trois longs mois que leur vie avait été transformée. Et Joy ne pouvait que s’en rendre coupable. Elle n’avait pas pleuré, elle n’avait pas réagi, elle n’avait fait que se renfermer sur elle-même. Elle avait songé à démissionner, mais l’image de Simon et de Kerensky revenait sans cesse. Il était dix heures, mais de toutes façons, elle n’avait rien à faire. Puisque Sullivan ne collectionnait pas les petites copines, ou ne sortait pas le soir à minuit. Le seul truc qui pouvait occuper ses journées, c’était vérifier les entreprises avec lesquelles Sullivan allait signer.

Elle poussa la porte du Bunker, et ce fut sans surprise qu’elle vit Kerensky, Simon à côté. L’ambiance n’était pas la même. L’ambiance n’était plus la même. Elle n’était plus la même depuis l’accident de l’avion qui emmenait Largo et Cardignac près des îles Fidji, afin de signer un contrat. Les recherches avaient duré cinq semaines. Cinq semaines où l’on espérait que Largo reviendrait. Même Cardignac. Ils espéraient. Et puis ils avaient dû arrêter les recherches. Sullivan les avaient convoqués dans son bureau pour leur annoncer la nouvelle.

2 mois et quelques semaines auparavant

- Asseyez-vous s’il vous plaît, les invita Sullivan.
- Je préfère rester debout, prononça Kerensky, alors que les deux autres faisaient de même.
- Ecoutez… Cela fera cinq semaines que nous faisons des recherches sur les possibilités de survie de Largo et Michel ainsi que les deux pilotes… Mais il faut se rendre à l’évidence… Ils n’auraient pas pu survivre…
- Qu’est-ce que vous voulez dire ? demanda Simon, connaissant ou redoutant déjà la réponse.
- Que Largo Winch, Michel Cardignac, Nash Garrett, et Denis Harris seront déclarés morts demain matin et…
- NON !!! coupa Simon. NON !! IL EST HORS DE QUESTION QU’ON ENTERRE LARGO !! CARDIGNAC, OK !! MAIS PAS LARGO !! IL N’EST PAS MORT, OK ? IL N’EST PAS MORT ! JE LE SAIS !!!

Et il partit en claquant la porte, les larmes au bord des yeux. Kerensky était triste. Triste et déçu. Triste d’avoir perdu un ami cher, et déçu de n’avoir pas réussi à le retrouver, malgré tous les efforts qu’il avait fournis, toutes les nuits blanches qu’il avait passées, toutes les heures d’attentes, tout ça pour rien. Ou pour une réponse qu’aucun d’eux ne voulait entendre. Il avait tourné le regard vers Joy. Elle semblait accuser le coup, mais incapable de prononcer un mot.

Il était mort. MORT. MORT. Ce mot résonnait dans sa tête. Largo. Mort. Non. Son esprit refusait d’assimiler l’information.

- Joy ? l’appela Sullivan
- Oui John, répondit-elle avec le plus de détachement possible – ce qui n’avait pas donné grand chose.
- Ça ira ?
- Quand aura lieu l’enterrement de Largo et de Cardignac ? demanda Kerensky.

Largo. Mort. Enterrement. Ces mots résonnaient encore et toujours.

- Jeudi. Je suis désolé Kerensky. Nous avons tout fait pour les retrouver… Mais nous ne pouvons plus rien faire.
- Je sais John. Merci.

Il se dirigea vers la porte, mais s’arrêta, et attendit. Joy ne bougeait pas. Il l’appela. Une deuxième fois, et elle leva la tête. La garde du corps avait regardé John une dernière fois, et était partie au Penthouse, sur la terrasse. Une terrasse qui resterait désespérément vide à présent. Pourquoi tous ceux qu’elle aimait mouraient ? Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Elle se laissa glisser contre le mur, et attendit, les yeux dans le vide. Qu’attendait-elle ? Elle-même était incapable de le dire. Peut-être que le temps passe, ou peut-être attendait-elle de se réveiller en sursaut en se rassurant que tout n’était qu’un cauchemar… Combien de temps avait passé ? Personne n’aurait su le dire. Lorsqu’une main se posa sur son épaule…

- Largo ? demanda-t-elle, pleine d’espoir.

Mais ce fut le sourire triste de Simon qui lui répondit.

- Oh ! Excuse-moi Simon…
- Non. C’est pas grave. Tu n’y es pour rien. Moi aussi j’aurais réagi comme ça.
- Ça va ?
- A part le fait que je viens d’apprendre que mon meilleur ami sera déclaré mort demain, ça va. Mais toi ?
- Je n’en sais rien Simon. Je suis incapable de penser, incapable de ressentir, je… Je suis totalement anesthésiée. Il est mort, Simon. Tu te rends compte ? On ne le reverra plus jamais, on ne l’embêtera plus jamais, je ne lui crierai plus dessus parce qu’il sort sans me prévenir, je ne sourirai plus comme quand il me taquinait, je n’aurai plus personne à protéger, je… Je…
- Je sais… Et moi, je n’aurai plus personne avec qui sortir, me souvenir, délirer, faire des plans foireux, m’aider à me sortir d’une merde noire…

Il attendit un moment, retenant les larmes qui menaçaient de couler, puis il reprit :

- Joy…
- Oui ?
- Je peux te demander une faveur ?
- Oui…
- S’il te plaît, ne te renferme pas sur toi-même. Si tu as mal, dis-le nous… Il faut qu’on se serre les coudes. Et je ne veux pas que tu souffres.
- C’est trop tard Simon.
- Tu sais quoi ? Je suis sûr qu’il est encore en vie.
- De toutes façons, même s’il avait survécu… Il serait déjà mort… Parce que Cardignac comme compagnon d’infortune, on fait mieux ! Même si les pilotes lui tiennent compagnie…

Ils auraient bien ri de la plaisanterie, mais ils ne s’en sentaient pas capables.

***

Il tourna sur lui-même. Une plage de sable blanc, une mer turquoise, une forêt tropicale... Mais où diable se trouvait-il ? Ou plutôt, la question était : que s'était-il passé ?

Il se souvenait du voyage d'affaire qu'il avait dû, à son plus grand dam, faire avec Michel. Ils étaient dans le jet quand tout à coup, alors que pour une énième fois, lui et son employé se chamaillaient pour un rien, il y avait eu de fortes turbulences. Tandis que Cardignac pestait, lui s'était inquiété. Et à juste titre, s'il en jugeait par sa position présente. Le pilote les avait prévenus qu'une des ailes de l'appareil avait un problème. Mais en regardant par un hublot, Largo avait bien vu que le problème était de taille. L'aile était en feu. Le co-pilote avait alors pris la parole pour les avertir qu'ils devaient s'asseoir et boucler leurs ceintures de sécurité. Ils allaient tenter d'amerrir. Ensuite… ensuite tout était flou dans sa mémoire. Un choc. Violent, extrêmement violent. Puis, ça avait été le trou noir. Il s'était réveillé dans l'eau, à une centaine de mètres de cette île. Il avait rapidement nagé jusqu'au rivage, par crainte des requins dont grouillaient certainement les alentours.

Où étaient les autres ? Il scruta encore la plage, inquiet de leur sort. Ne voyant rien, il émit l'hypothèse qu'ils auraient pu être rejeté autre part sur l'île. Il se mit en marche, et rencontra par endroit des débris métalliques. L'un d'entre eux portait le sigle du Groupe W. Il resta un instant à le regarder. Ses amis… le cherchaient-ils ? Sûrement. Le trouveraient-ils ? Il déglutit difficilement. Il fallait qu'ils le fassent. Il avait besoin d'eux. Il soupira et continua sa route, plus inquiet qu'avant. Au bout d'une dizaine de minutes, il distingua à l'horizon une forme foncée. Il courut vers elle. C'était Michel. Il prit son pouls et fut soulagé en constatant qu'il en avait bien un. Le président de la Winch Air était simplement évanoui. Il le traîna un peu plus haut sur la plage et se pencha sur lui. Un sourire un tantinet mesquin apparut sur son visage. Il gifla le pauvre homme inconscient qui finit par ouvrir les yeux.

- Mais qu'est-ce que… maugréa-t-il.
- Je n'aurais jamais cru vous dire ça un jour, Michel, mais je suis content d'entendre votre voix, fit en souriant l'héritier Winch.

Il se leva et tendit la main à l'autre pour qu'il en fasse de même. Celui-ci, dont la fierté ne permettait pas une quelconque aide extérieure, se redressa difficilement. Sous le regard amusé de son patron, il entreprit de débarrasser son costume des grains de sable qui constellaient le tissu séché au soleil. Lorsqu'il fut satisfait, il eut une moue agacée et regarda autour de lui.

- Où sommes-nous ?
- Je dirais… quelque part au beau milieu du pacifique.
- Vous vous croyez drôle, peut-être ? s'écria-t-il. Où est le jet ?
- Ça, je me le demande… Mais entre nous, le sort des pilotes m'intéresse un peu plus. Venez.

Il commença à partir.

- Eh ! Où allez-vous ? demanda Cardignac en le rejoignant rapidement.
- La nuit va bientôt tomber. Il faut se construire un abri et trouver de quoi manger.
- Vous comptez rester ici !? s'exclama-t-il, ébahi.

Largo se tourna vers lui, de la colère dans les yeux.

- À moins que vous ne sachiez comment construire un avion avec du bambou et du sable, je crains que nous ne devions en effet séjourner ici.
- Mais j'ai rendez-vous avec d'importants promoteurs, demain. Je dois y être !

Le PDG secoua lentement la tête et se remit en marche vers la forêt.

- Largo ! Largo ! Attendez-moi !

Ils construirent un semblant de cabane en quelques heures, Michel pestant constamment après les matériaux et l'absence de clous et de marteaux. Malgré ses efforts pour garder son sang froid, le jeune homme craqua au bout d'une bonne demie-heure.

- Michel, taisez-vous ou je vous jette au requins ! hurla-t-il, à bout de nerfs.

Cardignac se tut immédiatement, sachant que le milliardaire était parfaitement capable de mettre sa menace à exécution. Le soir venu, ils s'étendirent sur les nattes en feuilles de bambou et regardèrent le plafond de leur petit abri de fortune.

- Vous croyez qu'on va nous retrouver ? demanda doucement Cardignac en tournant la tête vers son compagnon d'infortune.
- Simon, Kerensky et Joy vont tout faire pour, assura-t-il. J'ai confiance en eux.
- Ils ne savent pas où nous sommes…
- Ils chercheront et nous trouveront. Il ne faut pas perdre espoir, Michel.

Ce dernier acquiesça lentement et s'endormit. Mais incapable de fermer l’œil, Largo sortit de la petite cabane et alla s'asseoir sur la plage, baignée par la lueur de la pleine lune. Il leva la tête vers les étoiles, nombreuses par milliers. Ses amis étaient-ils déjà au courant de l'accident ? Sans doute, oui. Le croyaient-ils mort ? Et s'ils ne les trouvaient pas ? Qu'adviendrait-il d'eux ? Livrés à eux-mêmes, survivraient-ils ?

Submergé par ces questions auxquelles il ne pouvait avoir de réponse immédiate, il s'étendit sur le sable, ses bras lui servant d'oreiller. La brise nocturne lui chantant une douce berceuse, il sombra enfin.


L’enterrement avait donc eu lieu le jeudi. Tous les membres restants du conseil étaient présents, ainsi que la plupart des employés. Sullivan avait repris les rênes du Groupe W, et Kerensky, Joy et Simon avaient finalement accepté de rester au groupe, juste en la mémoire de Largo. Simon avait été le premier à parler. Ce ne fut pas un de ces longs discours ennuyeux et barbant, ce fut un discours sincère, et émouvant qui passa les lèvres de l’ex-voleur :

- Quand John m’a demandé de faire un discours pour Largo… Ça a été dur. J’en ai jamais fait, alors ce sera sûrement foireux… Largo, c’était pas un gars compliqué. Il débordait de vie, et c’était pas un dingue du boulot, du coup, il s’est foutu plein de types hypocrites à dos. Mais il aimait ses amis, et c’était un homme loyal, qui avait le cœur sur la main. Personne ne le connaissait mieux que moi, et pourtant, tous les jours je le découvrais. Et maintenant ce ne sera plus possible. C’était un type génial, qui a toujours cru en moi, et qui ne jugeait pas les gens sur leur passé, mais sur leur présent. Ok, il n’était pas très stable sentimentalement, mais je suis sûr que c’est parce que derrière ses grands chevaux de type courageux qui n’a peur de rien, il était mort de trouille à l’idée de dire ses sentiments à la fille qu’il aime. Et je suis sûr que de là-haut – s’il y est, parce que je dois avouer que j’ai de gros doutes, ou plutôt de grands espoirs – il le regrette. J’ai jamais vécu un truc aussi dur. Parce que, penser que Largo est mort, c’est pas facile à accepter, mais parler de lui au passé, c’est encore plus difficile. Je sais pas où tu es, Largo, je n’en ai absolument aucune idée, mais j’espère que tu y es bien. J’espère que tu t’y sens bien, parce que nous ici, on se sent mal…

Il descendit de l’estrade, et s’assit à côté de Joy. Il ne restait plus qu’à mettre la terre sur la tombe, et tout serait fini. Pas besoin de faire tout un bordel, Largo n’aurait pas aimé. Simon était le dernier. Et juste avant de se relever, il souffla :

- Je veillerai sur elle, je te le promets.

Puis, il rejoignit Joy et Kerensky. Elle, n’allait pas bien, alors que Kerensky accusait mieux le choc. Il avait mal, et il avait d’ailleurs pleuré, en silence, seul, lorsqu’il avait senti que tout allait mal. Simon, pleurait aussi, mais le plus douloureux, c’était que Joy n’avait pas tenu sa promesse : elle ne disait plus rien, elle n’envoyait pas Simon ou Kerensky balader, même quand ils lui tendaient des perches longues comme la muraille de Chine. Elle se contentait de se plonger dans son travail pour oublier et pour s’occuper l’esprit. La plupart du temps, Kerensky la renvoyait chez elle, mais elle passait ses nuits dans des bars miteux à se saouler ou chez elle à pleurer, seule. Elle avait essayé de leur expliquer ce qu’elle ressentait, mais n’y était pas arrivée, et elle voyait que ça leur faisait du mal. Mais elle ne voulait plus souffrir.

Et puis un jour, Simon, Joy et Kerensky avaient décidé de reprendre les recherches, seuls. Mais ces recherches ne menaient à rien. Ils avaient tout mis en œuvre pour retrouver Largo, mais rien n’y faisait.

Aussi, quand Joy passa la porte ce matin-là, elle demanda d’un ton sans espoir :

- Alors ?

Les regards de Simon et Georgi étaient plus explicites que des paroles. Elle soupira, et s’assit sur le premier fauteuil qu’elle vit.

- Joy… Ça va ? demanda le Suisse.
- Aussi bien que toi, Simon. C’est à dire mal. Mais c’est pas grave, je préfère que nous continuions à faire comme si tout allait bien, c’est mieux…
- Joy… soupira Kerensky. Pour nous aussi c’est dur… S’il te plaît ! Aide-nous, dis-nous ce qui ne va pas !
- Oh et puis MERDE ! explosa-t-elle finalement. Ça ne sert à rien de faire comme si tout allait bien ! Il est mort ! Vous entendez ?! Et nos recherches ne le feront pas revenir !
- Mais si ça se trouve, il est en vie, et il n’attend que ça ! Qu’on le retrouve !
- Non Simon ! Tu te rattaches à cette idée parce que tu n’as aucun autre moyen de t’en sortir ! IL EST MORT Simon ! Et rien de ce que tu diras ou feras ne changera ça ! Tu ne fais que le maintenir en vie ! Il ne reviendra pas d’un coup de baguette magique ! Il ne reviendra pas… se radoucit-elle. Il est mort… Et c’est ma faute…
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? demanda Kerensky, interloqué.
- J’aurai dû vérifier l’avion en approfondissant les recherches, je… J’aurai dû l’obliger à m’accepter comme accompagnatrice, j’aurai dû…

En effet, si Joy et Simon n'avaient pas accompagné Largo et Cardignac durant leur voyage d'affaire, c'était parce ils devaient impérativement assurer la sécurité de John Sullivan dans un contrat avec des pays du Moyen Orient, contrat à l’occasion duquel des menaces précises avaient été adressées à l’encontre de John. Et comme Joy venait de s’engueuler une fois de plus avec son cher patron, elle et Simon étaient donc restés à New York, laissant Largo s’envoler tout seul comme un grand. Et ils ne devaient rejoindre Largo que deux jours plus tard, une fois le dossier de John réglé ; ne devant pas y avoir de problèmes durant le vol…

- Mais qu’est-ce que tu aurais fait ? Hein ?
- Je sais pas…

Elle attendit quelques instants, et elle reprit :

- Si on me donnait une deuxième chance, je la saisirais, je vous jure… Rien ne serait pareil…

Ni Kerensky ni Simon ne savaient si elle parlait de sa relation avec Largo ou de son comportement de garde du corps…

- J’aurai dû être là, j’aurai dû le retenir, j’aurai pu l’aider… continua-t-elle en commençant à pleurer. J’aurai dû faire tout ça… Je suis désolée… Pardonnez-moi…
- Attends, mais tu nages en plein délire, là !? s’énerva Simon. Tu veux qu’on te pardonne ? Mais y’a même pas à poser la question : ce n’est pas ta faute ! Personne n’aurait pu le retenir ! Tu entends ? Personne ! Même pas toi ! Il n’en faisait qu’à sa tête ! Et si tu l’avais suivi, tu serais morte à l’heure qu’il est ! C’est ça que tu veux ?

Elle ne répondit pas. Simon et Kerensky eurent peur de comprendre :

- Attends… Tu veux quand même pas mourir ?
- J’en sais rien Georgi. Donne-moi une bonne raison de rester en vie…
- NOUS !! Nous Joy ! Si tu disparais, comment on fait nous, pour tenir ? Je t’en prie Joy, ne fais pas ça… implora Simon en la prenant dans ses bras. On t’aime, même Kerensky ne veut pas que tu fasses ça ! On t’aime tous, alors je t’en prie, ne fais pas ça, ne nous abandonne pas. Fais-le pour nous si tu ne le fais pas pour lui. Largo voudrait que tu restes. S’il te plaît. Garde l’espoir qu’il soit en vie.
- D’accord… souffla-t-elle

Puis elle partit en claquant la porte du Bunker.

- Georgi… j’ai peur…
- Non, t’inquiète pas, elle ne va pas le faire…
- J’espère que t’as raison…

Elle poussa la porte du Penthouse. Penthouse où personne n’avait mis les pieds depuis l’annonce de l’enterrement du milliardaire. Elle regarda tout autour d’elle. Rien n’avait changé, à part ces atroces nausées le matin, cette fatigue générale, et cette mort qu’elle refusait d’accepter. Joy se dirigea vers la chambre de Largo. Les draps n’avaient pas encore été changés, et son odeur régnait partout. Elle se sentait rassurée dans ce lieu maintenant si paisible. Le lit était fait, pour une fois ! Elle s’en approcha, et se glissa sous la couette, s’enivrant du parfum de Largo, resté incrusté dans les draps. Elle soupira, se souvenant de tous ses réveils dans cette chambre, durant les trois semaines qu’avait duré leur relation, après son accident à Montréal. Et cette autre nuit… Se réveiller dans ses bras lui avait semblé normal, et elle s’en voulait d’avoir eu peur de continuer sa relation avec Largo. Parce qu’elle savait que si c’était à refaire, elle agirait différemment. Mais on ne vit pas dans le passé. La fatigue accumulée, le sentiment de bien-être, et la tension eurent bientôt raison d’elle, si bien qu’elle s’endormit rapidement.

Simon entra dans le Penthouse, se doutant que son amie devait y être. Non pas qu’il n’avait pas cru le Russe, mais il voulait discuter avec Joy. Savoir comment elle vivait tout ça, et si elle avait besoin de parler. Mais lorsqu’il la vit assoupie, il fit demi-tour, plutôt content qu’elle dorme enfin.

- Alors ? demanda le Russe lorsque Simon passa la porte.
- Elle dort.
- Où ?
- Dans le lit de Largo. C’est bien. J’ai préféré la laisser dormir, pour une fois qu’elle y arrive…

Les recherches continuèrent toute la journée. Joy était redescendue au Bunker, pour s’excuser de son comportement, mais Simon et Georgi lui dirent que c’était normal qu’elle craque à un moment. Elle avait beau avoir dormi, elle était vraiment très pâle.

- Joy… Tu es sûre que tu te sens bien ? demanda finalement Simon.
- Non… Je…

Elle ne put terminer sa phrase, déjà elle s’évanouissait, tombant dans les bras du Russe.

- JOY !
- Appelle une ambulance, Simon !

*

Les bips retentissaient dans toute la chambre. Ça lui faisait un mal de crâne atroce. La garde du corps ouvrit difficilement les yeux, mais les referma lorsqu’elle vit Simon et Georgi. Ce n’était pas un rêve. Largo était toujours mort, et elle était visiblement malade, à voir leur tête :

- Qu’est-ce que j’ai ? prononça-t-elle finalement
- Tu… Tu… Tu es…

Les mots moururent dans la bouche de Simon. Kerensky reprit le flambeau :

- Tu es enceinte, Joy.
- QUOI ????????
- Tu attends un bébé ! réitéra le Russe
- Mais… C’est pas possible…
- Tu ne t’en étais pas rendu compte ?
- Georgi, avec tous les évènements… J’ai pas trop pensé à ça…
- Et on connaît le père ? finit par demander Simon, une pointe de rancœur dans la voix.

Joy baissa les yeux.

- Oui.
- C’est qui ? Il est du Groupe ? Et pourquoi tu ne nous l’as pas présenté ? Comment il s’appelle ? explosa Simon, déçu d’avoir été écarté de la vie de Joy, et surtout déçu de constater qu’elle ait pu faire des folies de son corps alors que Largo venait de mourir.
- C’est Largo, répondit-elle calmement, tout en fixant désespérément le sol.
- QUOI ?? demandèrent les deux autres à l’unisson
- Mais… commença Simon. Co… Comment ?
- Simon, je ne vais pas t’apprendre comment on fait les bébés
- Joy !
- D’accord… Simon tu te souviens il y a un peu plus de trois mois, le soir où je vous ai accompagnés en boîte ?
- Ah ouais ! Je me souviens surtout de ton état ! Je ne t’avais jamais vue comme ça !
- Et celui de Largo, tu t’en souviens ?
- Il était pire que toi !
- A la fin de la soirée, je l’ai raccompagné, comme d’habitude… Et quand on est arrivés devant la porte de son appart’, ben il a été un peu… disons entreprenant. Comme j’étais ivre, j’ai pas vraiment résisté, et… Ben voilà, j’ai pas besoin de vous faire un dessin !
- Mais… Vous étiez ensemble ?
- Non. Le lendemain, je suis partie. Il a bien essayé de me retenir, mais… J’ai été un peu… distante, et je ne l’ai pas laissé en placer une. Et deux semaines plus tard…
- Ok…
- Qu’est-ce que je fais ? demanda-t-elle. Je le garde ou pas ? C’est la seule chose que Largo nous laisse, on ne peut pas la rejeter !
- Ce n’est pas à nous de prendre la décision, Joy, répondit Kerensky.
- Qu’est-ce que vous feriez, à ma place ?
- On ne sera jamais à ta place !
- Merci de ton aide, Simon !
- Non, c’est bon, te fâche pas ! Moi, je le garderai.
- Mais… Et mon travail ? Et puis… J’ai pas de frère ni de sœur, je sais pas m’occuper d’un bébé ! Comment je vais faire !?
- Tu apprendras sur le tas, ne t’inquiète pas ! Et puis, Georgi et moi, on t’aidera. Et tu as raison, c’est la seule chose qui nous restera de Largo. La seule chose qui ne sera pas matérielle, je veux dire… On ne peut se souvenir de lui que grâce à des photos, au Groupe. Alors que là, ce sera une partie de lui, vous comprenez ? Quant au travail… Sullivan et Largo, c’est franchement pas la même chose, et je suis sûr qu’il sera très content, et… Merde !
- Quoi ? s’écria Joy
- C’est l’enfant de Largo ? T’es sûre ?
- Simon… Je ne couche pas avec des types différents tous les soirs, moi !
- Mais alors… Joy ! Tu n’as pas qu’un enfant !
- Je vais pas accoucher d’un chat quand même !?
- Non, évidemment ! Mais Joy, si tu es enceinte de l’enfant de Largo, tu es enceinte d’un héritier ! De l’héritier du Groupe W !

Un moment de stupeur générale.

- Oh non… lâcha finalement Joy. Comme si c’était pas terrible, déjà…
- Là je crois que ça devient important…
- Joy… commença Kerensky. Garde-le. On… On n’a pas le droit de faire ça à Largo. Il en aurait voulu de ce bébé. Alors garde-le. Pour lui.
- Mais… Et la Commission ?
- Tu pourrais accoucher sous le nom de Arden ? Le petit grandit sous ce nom, et ce n’est qu’au jour de sa majorité qu’il ou elle deviendra Winch.
- Ça ressemble au comportement de Nério…
- Oui… Sauf que toi, tu l’élèveras sans lui cacher la réalité ! Enfin… Comme tu veux. Après tout, c’est ton enfant ! expliqua Simon.
- Ouais… Laissez-moi juste le temps d’y réfléchir…
- C’est à toi de décider…
- Merci les gars. Vous m’aidez vraiment.
- Allez, on te laisse te reposer princesse !
- Repose-toi bien Joy !

Mais au moment de tourner la poignée, Simon se retourna :

- Quoi que tu décides, Joy… On sera toujours là pour toi.
- Je sais.

Puis ils partirent.

Joy se sentait bizarre. Quelque chose grandissait en elle. Une partie de Lui. Finalement, elle ne l’avait pas tout à fait perdu !


A des milliers de kilomètres de là, Largo Winch, loin de s’imaginer qu’il allait être père, se battait contre Cardignac, qui ne voulait pas faire la pêche, et qui préférait faire le feu.

- Et pourquoi vous n’iriez pas pêcher, vous ? s’énerva Cardignac
- Parce que vous êtes incapable de faire un feu correctement ! répliqua le milliardaire. La dernière fois, vous avez failli foutre le feu à l’île, et je ne referai pas la même erreur ! Alors Michel, vous allez me prendre ce harpon fait maison, et me ramener ces poissons si vous voulez manger ! Sinon je vous jure que je vous noie dans les trente centimètres d’eau du bord de la plage, et que je donne vos restes aux requins !

Sachant que son patron était sur les nerfs, et qu’il pourrait en être capable, le président de la Winch Air obtempéra. Lorsqu'il fut parti, Largo souffla. Il n’en pouvait plus de rester avec ce dingue. Les deux mois qui venaient de passer avaient été terribles, et Largo désespérait de plus en plus chaque jour d’être retrouvé. Tous les soirs, il repensait à sa vie à New York. Ses amis l’avaient-ils oublié ? Non. Définitivement non. Et comment vivaient-ils son absence ? Comment allait Kerensky ? Sûrement froid et plus distant qu’à l’accoutumée. Et Simon ? Ça devait être dur pour lui… Vraiment très dur. Il espérait au fond de lui que son meilleur ami n’ait pas fait de bêtises. Et Joy ? Sa Joy ? Comment allait-elle ? Pour elle aussi, ça ne devait pas être facile. Elle devait être inapprochable, braquée, froide, malheureuse, et il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était sa faute. Et surtout : étaient-ils restés au Groupe, ou avaient-ils abandonné, préférant tourner une page de ce passé qui était devenu plus que douloureux ?


Un nouveau mois passa. Joy continuait son travail, gérant sa grossesse. Car elle avait décidé de garder le bébé, après avoir longuement réfléchi, et pesé le pour et le contre. Et le pour l’emportait de loin. Et Simon, Kerensky et Sullivan – qui avait été mis au courant – la soutenaient, et l’aidaient à ne pas stresser, et à gérer le tout. Finalement, ils avaient abandonné les recherches, après avoir réfléchi à ce que Joy leur avait dit. Elle avait raison. La jeune femme s’ouvrait un peu plus chaque jour et, les hormones aidant, lui permettaient d'exprimer ce qu’elle ressentait. Simon recommençait à sortir avec des filles, mais il se posait plus. La vie était redevenue la même depuis quelques semaines, à la différence près qu’une espèce de lueur de tristesse et de mélancolie restait obstinément dans les yeux des membres restant de l’Intel Unit. Et à la différence près que Largo n’était plus là, avec eux.

Joy était montée sur la terrasse, et était assise, adossée au mur de l’appartement du père de son enfant. Son ventre plutôt gros l’empêchait de ramener ses genoux complètement. Et elle fixait les étoiles, espérant secrètement que la personne qu’elle aimait y soit. Ou mieux, que cette personne les admire en même temps qu’elle.

Et justement, cette personne observait les étoiles, tous les soirs, en imaginant sa garde du corps faire de même sur la terrasse de son appart’. Il pouvait revoir ses traits, encore nets, dans sa tête. Il repensait à tous les bons moments qu’il avait passé avec son équipe, sa deuxième famille. Et surtout à l’erreur qu’il avait faite avec Joy. Non pas qu’il regrettait d’avoir couché avec elle, non. Loin de lui cette idée. Non. Ce qu’il regrettait, c’était de l’avoir laissée s’échapper. De ne pas l’avoir empêchée de fuir, de ne pas avoir trouvé les arguments suffisamment convaincants pour qu’elle reste avec lui pour ne plus partir. Et sans s’en rendre compte, il lâcha :

- J’aurai dû l’en empêcher.
- Qu’est-ce que vous dites ? demanda Cardignac

Au bout de deux mois, les deux anciens ennemis avaient fini par faire connaissance, et à… Oui, on peut dire qu’ils commençaient à s’apprécier. Non, ce n’était pas non plus la grande amitié, mais Largo avait expliqué à Cardignac qu’ils allaient manifestement vivre ensemble encore longtemps. Et s’ils voulaient survivre… Il valait mieux qu’ils ne s’entretuent pas. Car il y avait encore une chance, si infime soit-elle, que l’Intel Unit les trouve. Et au fur et à mesure, de fil en aiguille, Largo avait commencé à se livrer un peu à Cardignac, qui lui aussi s’y mettait. C’est ainsi que l’héritier Winch avait appris que le père de Cardignac était un fichu enfoiré qui avait abandonné sa mère, et Largo en avait conclu que le fils ne voulait pas être comme le père. Finalement, c’était un peu comme lui.

- J’aurai dû l’empêcher de fuir.
- Qui ?
- Joy.
- Arden ? Mais je ne comprends pas pourquoi vous dites ça.
- On a passé une nuit ensemble, deux semaines avant l’accident.
- Ah. Ça ne m’étonne pas. Et ça fait combien de temps que vous êtes avec elle ?

Largo eut un sourire ironique.

- Jamais. Enfin si ! Trois semaines, mais vous étiez au courant.
- Et ça ne me réjouissait pas.
- Vous ne la connaissez pas. Cette fille, c’est… C’est… Une fille géniale ! Cette nuit avec elle, c’était… Wouah ! J’avais jamais ressenti ça !
- Sauf pendant ces trois semaines…
- Non. Elle n’était pas prête, et je l’ai respecté. Mais là…
- Qu’est-ce qui vous disait qu’elle était prête ?
- Je n’aurais jamais cru que je vous raconterai ça un jour, mais… Disons qu’on était ivres, que je l’ai clairement draguée, que je sais parfaitement que je ne lui suis pas indifférent, malgré le fait qu’elle essaie de le cacher, et qu’on a couché ensemble. Et le lendemain, et elle est partie. J’ai un peu essayé de l’en empêcher, mais elle m’a explicitement fait comprendre qu’elle estimait cette nuit comme une erreur. Et ensuite, elle est repassé en mode professionnel. Ce mode qui en avait pris un sacré coup. J’ai essayé d’en reparler avec elle, mais elle s’est braquée, et a fait comme si rien ne s’était passé. Et je n’ai rien fait. Si vous saviez à quel point je m’en veux !
- Vous l’aimez, n’est-ce pas ?
- Oui. Mais si elle est partie, c’est de ma faute. Je lui ai fait du mal, je comprends qu’elle n’ait pas apprécié, qu’elle ne me fasse pas confiance, et je suis prêt à lui donner tout le temps qu’il lui faudra. Mais bon… pour ça, il faudrait déjà qu’on nous retrouve.
- C’est sincère, hein ? Cet amour, pour elle…
- Vous avez déjà été amoureux ?

Cardignac inspira, et fixa les étoiles. Après tout, Largo s’était confié à lui, alors pourquoi lui ne le ferait pas ?

- Oui. Une fois. Mais… Ça c’est mal fini. Je… Les affaires ont toujours été une priorité pour moi. Il n’y a pas de place pour l’amour dans le business. C’est peut-être pour ça que j’ai toujours été… Disons mal aimable envers vous. Je pense que j’étais jaloux.
- Cela ressemblerait-il à une demande de pardon ? s’amusa Largo.
- Ne rêvez pas non plus !

Le jeune homme éclata de rire en entendant cette répartie. Une fois calmé, il soupira.

- Dites-moi, reprit Michel, quelle serait la première chose que vous feriez si nous réussissions à partir d’ici ?

Largo ne mit pas longtemps à réfléchir. En fait, il s’était souvent, très souvent, posé la question.

- Je lui dirais que je l’aime. Que je ne peux pas vivre sans elle. Et vous ?
- Je ne sais pas… Je crois que je commencerais par appeler ma mère…

Un ange passa… puis l’hilarité prit le dessus sur le silence, les laissant évacuer le stress accumulé durant ce mois passé en cohabitation.


Le cimetière était désertique. Normal, après tout. L’après-midi était sombre et le ciel ombragé semblait sur le point de se déchirer. Malgré cela, elle était là, devant cette tombe. Elle n’y avait plus mis les pieds depuis la cérémonie. Elle se sentait fébrile et détestait cette impression.

L’humidité lui glaçait les os, traversant son manteau gris. Elle serra ses bras autour d’elle dans le vain but de sentir un peu de chaleur. Peine perdue d’avance. Cet endroit était lugubre, tout inspirait la mort, la tristesse. Cette même tristesse qui la dévorait en ce moment.

Pourquoi être venue ici maintenant, 4 mois après ce stupide accident qui avait coûté la vie à l’homme qu’elle aimait plus que tout au monde ? Et dire qu’il ne le savait même pas. Ou peut-être que si, dans le fond. Petite consolation dérisoire. Elle fixa le marbre gris, suivant des yeux le contour des lettres qu’on y avait gravées.

Il voulait faire les bons choix

L’une des premières phrases qu’il lui avait adressées. Celle qui l’avait fait entrer dans son équipe, et dans son cœur par la même occasion.

Elle retint un haut-le-cœur. Seigneur, il lui manquait tant !

Elle avait parfois l’impression qu’il était là, à ses côtés, la soutenant dans les épreuves qu’elle traversait… L’impression d’une caresse timide sur sa joue, la manie qu’il avait de lui remettre délicatement une mèche en place. Geste empreint de tendresse que tant de fois, dans le silence de ses nuits, elle avait tenté d’interpréter. Elle caressa son ventre à travers son manteau qui laissait transparaître ses rondeurs maternelles. Enfin, elle se décida à parler :

- Bonjour, Largo.

Elle se mordit la lèvre inférieure.

- Je suis désolée de ne pas être venue avant, mais je… j’avais la trouille. En fait, je n’arrivais pas à accepter ta disparition, le fait que je ne te reverrai plus, sans doute. Tu vois, après tout ce temps, je nage encore dans l’incertitude. Il m’arrive de me demander si tu es encore vivant. Et dans ces moments-là, je me dis que si c’est le cas, tu as une endurance à toute épreuve. Vivre avec Cardignac ne doit pas être une partie de plaisir. J'espère que les pilotes peuvent t'aider à vivre avec ce dingue… Ou bien peut-être que tu es tout seul, que tu te demandes pourquoi nous t’avons abandonné, pourquoi nous ne te cherchons plus. Je crois… Je crois qu’ici, nous avons tous l’un après l’autre perdu l’espoir de te retrouver. Moi la première. Et si jamais nous avions l’immense chance de te retrouver, dans quel état nous le ferions…

Elle fit une courte pause.

- Nous avons vraiment essayé, Largo. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, nous avons usé de tous les moyens mis à notre disposition. Et quand ils ne l’étaient pas, nous nous arrangions pour qu’ils le deviennent dans les plus brefs délais. C’est là que je me suis aperçu que je n’étais pas seule à avoir mal, à souffrir.

Elle laissa le silence planer.

- Sullivan a pris la tête du Groupe. Il fait du bon travail, comme toujours. Mais tu lui manques, comme à nous tous d’ailleurs. On se débrouille du mieux qu’on peut. Que dire de plus… la Commission est toujours aussi maligne. Heureusement, elle ne sait pas ce qui grandit dans mon ventre… Et toi, le sais-tu ?

Elle posa une main sur ce dernier.

- C’est un petit garçon, je l’ai su hier. Ton fils… Voilà un terme que j’avais tant espéré pouvoir appliquer un jour… Et maintenant que c’est fait… regarde où on en est… Tu es le premier à le savoir. Simon m’a un peu fait la tête, mais je sais qu’il me comprend.

Elle sourit au travers de ses larmes.

- Il va grandir sans son père. Mais je lui parlerai de toi, de notre histoire. On fait mieux, comme conte de fée, tu ne trouves pas ? Et qui sait, peut-être qu’un jour, tu reviendras et que nous vivrons heureux, tous les trois… ?

Joy secoua doucement la tête.

- Je te promets de ne jamais t’oublier, Largo Winch. Et où que tu sois, sache que je t’aimerai toujours.

Alors lentement, elle se détourna et partit, ses larmes se mélangeant à la pluie glacée qui commençait à tomber.

*

A peine rentrée dans le Bunker, Simon lui sauta dessus :

- Mais où étais-tu ?
- Partie voir son père, répondit-elle en désignant son ventre.
- Il le sait, alors ? intervint Kerensky.
- Oui.
- On peut savoir le sexe du petit être qui grandit dans ton ventre maintenant, ou môdame va nous faire patienter encore longtemps ? plaisanta Simon.
- Ce sera un héritier, les gars.
- Cool ! Un petit Winch ! Il sera beau et fort comme son père et sa mère, intelligent, borné, marrant, et mystérieux. Le mélange de vous deux, quoi !
- Et le petit bonhomme pointera le bout de son nez quand ? demanda Kerensky.
- Kerensky, tu es meilleur en maths, d’habitude ! se moqua Joy. Il naîtra au mois d’avril… Sauf s’il se décide avant… Ça ne dépend pas de moi !
- Et pour tes congés ?
- J’en ai discuté avec John, c’est prêt.
- Eh… Tu voudrais pas vivre au Penthouse, plutôt que de rester toute seule dans ton appart’ ? proposa Simon.
- Non.

La réponse de Joy avait été sèche, et rapide. Non, elle ne voulait pas y aller. Elle préférait rester seule avec son fils plutôt que d’être dans l’appartement que Largo n'occuperait plus jamais. Mais ça, Simon ne l’avait pas compris. Elle venait à peine de faire son deuil, que ça y était, il lui balançait cette proposition d’un coup !

- Pourquoi ? insista-t-il.
- Parce que vivre dans l’appartement d’un mort n’est pas vraiment ma tasse de thé. Et puis je ne suis pas sûre que Largo aurait apprécié que je squatte chez lui. Et je le comprends très bien. Et rassurez-vous, je viendrai vous voir tous les jours.
- Tu veux venir vivre à la maison ? proposa le Suisse.
- Non. Merci Simon, mais je me suis toujours débrouillée seule, alors ce n’est pas la peine de me couver. Tu seras un vrai tonton poule !
- Hé hé hé ! On l’aime déjà le pitchoune !
- Je sais. Je suis fatiguée… Je crois que je vais rentrer chez moi.
- Je te raccompagne.
- Non merci Georgi. Je préfère rentrer seule. Je ne suis pas handicapée, je suis juste enceinte ! Alors arrêtez un peu de me surprotéger ! Je suis une grande fille ! Bonne nuit les gars !
- Bonne nuit !

Elle sortit, et Simon se tourna vers le Russe :

- Tu crois qu’on la couve trop, toi ?
- Un peu quand même. Mais pas beaucoup…
- Tu crois qu’on sera des tontons poules ?
- Un peu quand même. Mais pas beaucoup…
- Tu te répètes, Georgi.
- Un peu quand même. Mais pas beaucoup…
- Tu m’écoutes au moins ?
- Un peu quand même. Mais pas beaucoup…
- Bon… Tu veux pas parler… ?
- T’es perspicace, c’est bien !


Largo n’en pouvait plus. Ses amis lui manquaient, Sullivan lui manquait, New York lui manquait, et il devait bien l’avouer, les requins du Groupe W lui manquaient aussi. Simon et ses blagues à deux balles, ses délires et les problèmes constants que les filles lui attiraient, Kerensky et sa froideur, son cynisme, son visage qu’il faisait tout pour garder impassible, ses ordinateurs, ses piques avec Simon et Joy… Joy aussi. C’était peut-être ça le plus dur à supporter : ne pas pouvoir lui remettre sa mèche derrière l’oreille, ne pas l’entendre lui crier dessus parce qu’il avait « oublié » de la prévenir de sa sortie, sa jalousie maladive dès qu’il parlait de sa nouvelle copine et qu’il faisait semblant de ne pas voir, son regard noir, son beau visage, son style… Bizarrement, il se souvenait de tout. Tout sans exception. Tout ce qu’il savait d’elle, il s’en souvenait. Et il se demandait tous les soirs, tous les jours, ce qu’ils étaient devenus, s’imaginant leur vie.

Cardignac, non plus n’en pouvait plus. Sa mère lui manquait, le Groupe, et New York aussi. Mais il restait avec son patron sur une île qui, s’il avait été avec une Naïade, lui aurait semblé paradisiaque. Visiblement, l’héritier Winch le pensait aussi, et président de la Winch Air savait aussi avec quelle sirène son patron aurait aimé se scratcher sur cette île.
Ils en étaient au tutoiement, et s’étaient raconté leur vie. Finalement, dans tout malheur, il y avait un bonheur… ! Quoi que Largo aurait préféré autre chose…

- Je veux un steak.
- Quoi ? demanda un Michel à moitié endormi.
- Je veux un steak, avec des frites. Et un coca. Et plein de sauce qui dégouline et qui en fout partout quand on le met dans la bouche.
- Tu n’aurais pas mangé un truc pas frais, par hasard ? fit l’autre, méfiant.
- Mais non, le rassura Largo. C’est juste que j’en ai assez de manger du poisson et des fruits.

Il soupira.

- Désolé, j’ai oublié mes sacs d’épicerie à New York. Si tu me trouves un jet, je peux te ramener ce que tu veux en quelques heures… dit ironiquement Cardignac.

Son compagnon sourit.

- Je t’ai réveillé ?
- Oui.
- Oh… désolé.
- Bof, entendre les inepties d’un milliardaire au beau milieu de la nuit est devenu mon lot quotidien.
- Bonne nuit, Michel.


À New York, vint le temps de dévaliser les boutiques pour le petit bout de chou à venir. Même Kerensky sortit du Bunker pour se joindre à eux et faire les magasins. Joy, que les hormones chamboulaient, s’émouvait devant l’attention que lui portaient les deux hommes, de tout ce qu’ils faisaient pour qu’elle se sente le mieux possible. Ils ressemblaient tant à deux gamins qu’elle eut l’impression d’être déjà mère…

- Eh ! Regarde ça ! s’écria Simon en brandissant une espèce de costume de carotte. On le prend ?
- Il est hors de question que mon fils porte cette chose. Il aurait l’air d’un légume…
- Ce Suisse ne sait pas choisir les vêtements, dit le Russe. On n’a qu’à regarder les siens…
- Monsieur " je m’habille en noir 365 jours par an ", je te ferais remarquer que c’est toi qui as voulu lui acheter un ordinateur portable ! se récrimina la pauvre victime.
- T’as quelque chose contre mes choix ? demanda Kerensky tout en s’avançant dangereusement vers Simon.
- Ça se pourrait, répliqua celui-ci.
- Hé ! Ça suffit ! les arrêta Joy en se mettant entre eux. Vous n’allez quand même pas vous battre !

Les deux hommes affichèrent une moue boudeuse mais résignée qui la fit éclater de rire. Elle les prit tous les deux par les avant-bras.

- Venez, il faut encore acheter un berceau.
- T’as pensé aux couches ? s’enquit Simon.
- Oui, depuis longtemps. Malheureusement, ils n’en font pas à votre taille…


Lendemain matin

Notre chef de la sécurité préféré avait pris l’habitude de se lever tôt pour déjeuner avec Joy. A 8 heures, il pénétra dans l’appartement de son amie, armé d’un sourire éclatant et d’un sac de croissants encore chauds. Il lâcha ce dernier lorsqu’il découvrit la future maman assise sur un fauteuil, l'air un peu secoué. Il se précipita et s’agenouilla devant elle.

- Qu’est-ce qui se passe, ma belle ?

Contre tout attente, elle sourit. Elle lui prit la main et la posa sur son ventre. Surpris par son geste, il perçut à peine un premier mouvement venant du ventre de la jeune femme. Plus attentif, il se concentra et sentit bien le deuxième.

- Eh bah ça alors ! fut tout ce qu’il trouva à dire, émerveillé.

Il écouta pendant quelques minutes les premières petites répercussions de l’enfant puis leva la tête vers Joy.

- Quel effet ça fait ?
- C’est… (Il y eut un autre coup, plus fort que les précédents) Wow !

Il éclata de rire.

- En tout cas, ce sera un sacré bonhomme. Il s'entraîne déjà à botter les fesses de la Commission.
- Simon, dit-elle après un silence.
- Oui ? fit-il, encore attentif à ce qui se passait dans le ventre qui lui faisait face.
- J’ai peur.

Il soupira.

- Nous le savons.
- Et si la Commission venait à découvrir la vérité ? Elle tenterait de m’enlever mon bébé… Je ne veux pas le perdre, Simon. C’est tout ce qui me reste de Largo et je l’aime tellement…

Il la prit dans ses bras, la berçant tendrement.

- T’inquiète, tant que tonton Georgi et moi serons là, tu n’auras rien à craindre. On ne les laissera pas vous faire du mal, je te le promets. Tu as confiance en nous ?

Elle acquiesça et il se leva, l’entraînant avec lui.

- Allez, viens. Ce petit monstre a besoin de manger et toi aussi. Assieds-toi, je téléphone à Kerensky, il nous rejoindra sûrement.

L’ancienne garde du corps de Largo obéit tandis qu’il composait le numéro de leur ami. Les paroles de Simon l’avaient rassurée, certes, mais ses craintes n’étaient qu’endormies. Elles reviendraient.


Un mois plus tard.

- Tourne ! Wouah ! Petrouchka, tu es sublime ! Cette robe de grossesse te va à ravir…
- Merci Kerensky, ça a d'autant plus de valeur que ce compliment, – car c'est un compliment, n'est-ce pas ? – vient de toi !
- Quoi, tu dis que je ne fais pas assez de compliments ?

Les trois amis étaient au Bunker, Joy leur montrant sa nouvelle garde-robe, fraîchement achetée avec le Suisse, dans l'après-midi. Celui-ci était en train de filmer la scène à l'aide de sa toute nouvelle caméra couleur extra précise, haute technologie, et surtout extra-haut prix… Il avait dit à Joy et à Kerensky que c'était pour que le petit puisse voir la beauté de sa mère lorsqu'elle était enceinte de lui, mais au fond, c'était pour que, si jamais le père de cet enfant revenait un jour, il puisse voir comment était celle qu'il aimait.

- Nan, y'a pas à dire, Joy, la grossesse te va comme un gant. Pour un peu, j'aurais presque envie d'être comme toi ! commenta l'ex-voleur.
- Ah oui, et c'est quoi, ce " un peu " ?
- Les coups dans le ventre, les vomissements au début, les envies… Et l'accouchement !
- J'aime ta façon de rassurer les femmes, Simon…
- En tout cas, je suis étonné que les vêtements que tu as acheté soient aussi… Toi ! fit Kerensky.
- Pourquoi ? s'étonna-t-elle.
- Joy, tu ne te rends pas compte de l'exploit : tu as réussi à acheter des tenues autres que les horreurs que Simon ose appeler des " vêtements classe " !

Elle se mit à rire, tandis que l'intéressé faisait une moue on ne peut plus boudeuse.

- Puisque vous vous moquez de moi, je m'en vais voir Maria !
- Quoi, t'es pas vexé, au moins ? fit Joy, sans s'arrêter de rire. Au fait, c'est qui, Maria ?
- La nouvelle secrétaire de Buzetti. Elle est divine ! Et tu sais…
- Non et je ne veux pas savoir ! Ni mon fils, d'ailleurs ! Il est hors de question qu'il entende ce que tu prétends appeler des exploits. Je veux qu'il garde un minimum d'innocence avant de naître ! J'ai lu dans un bouquin que les bébés entendaient ce qui se passait en-dehors du ventre de leur mère…
- Tu ne vas pas croire ces salades, tout de même ? s'exclama Simon
- Ben… On ne sait jamais. J'aime bien le risque, mais j'ai mes limites !
- Vas-y, moque-toi ! Moque-toi ! Moi, je vais voir Maria ! Elle, elle me comprend.
- Allez, file !

Le Suisse déconnecta sa caméra, et partit après avoir tiré la langue, laissant Joy ranger ses paquets et s'apprêter à prendre elle aussi la porte.

- Tu veux que je te raccompagne ? proposa Kerensky.
- Ça ne te dérange pas ?
- Joy… Je n'ai que ça à faire, de toutes façons ! J'ai fait toutes les recherches pour le mois à venir…
- Waouh… En effet, tu dois t'ennuyer…
- Tu m'étonnes… Allez, donne-moi tous ces paquets ! Ah lala ! La fièvre acheteuse s'est emparée de toi !

Ils avancèrent jusqu'au parking, tout en continuant la conversation.

- Tu parles ! C'est Simon qui m'a fait acheter tout ce bazar !
- Et tu as réussi à avoir des trucs aussi bien ?
- Disons que mon Beretta lui a clairement fait comprendre qu'un porte-jarretelles ne serait pas le bienvenu si jamais l'idée lui traversait la tête…
- T'as encore ton Beretta sur toi ?
- J'ai toujours mon Beretta sur moi, Georgi. Enceinte ou pas enceinte.
- On ne perd pas les bonnes habitudes, à ce que je vois…
- Et c'est toi qui dis ça ? Au fait, j'aurais besoin de toi, pour la peinture de la chambre du bébé…
- Euh… On verra ça avec Simon, si tu veux bien, d'accord ?
- Tu aurais peur d'un pot de peinture ?
- Non. Pour qui tu me prends ?
- Alors tu remettrais la chambre de mon fils entre les mains de Simon ? Georgi, tu es guéri !
- Quoi ?
- Tu n'as plus Simon en horreur !

Il ouvrit la porte de la voiture, et fit entrer Joy, qui le remercia. Puis, assis à la place du conducteur, il continua :

- Joy… Ce n'est pas très prudent.
- De laisser Simon faire la peinture de la chambre ? Certes. Mais si tu es avec lui, y'a pas de danger ! Enfin, y'en a moins…
- Non. Je parlais du fait de rester seule chez toi. Avec un enfant.
- Comment ça ?
- Ne fais pas celle qui ne comprend rien, s'il te plaît. C'est très dangereux. Comme tu nous l'as dit plusieurs fois, tu as peur que la Commission soit au courant pour ton fils, et qu'il y ait des problèmes. Or, si tu restes seule chez toi, il y a de grandes chances pour qu'on ne puisse pas t'aider. Je sais qu'au début, tu ne voulais pas vivre chez Largo. C'était trop tôt, je le comprends très bien, mais c'est fini maintenant…
- Georgi…
- Et si tu veux le meilleur pour ton fils, continua le Russe sans tenir compte de l'intervention de Joy, alors viens vivre au Groupe. Simon y a un appartement, et je peux très bien déménager aussi, si tu veux. Tu auras un appartement pour toi, le plus grand, où tu pourras aménager la chambre de ton bébé… Et comme ça, si jamais il se réveille dans la nuit, ou qu'il y a un problème, nous pourrons intervenir plus rapidement. En plus il y a un ascenseur au Groupe, tu n'auras pas besoin de monter tous ces escaliers.
- Ça y est, t'as fini ?
- Joy… C'est très sérieux, ce que je dis là. Et si Largo était là, tu vivrais déjà chez lui, ou au Groupe.
- Oui mais Largo n'est plus là, répliqua-t-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu. Georgi… Ecoute, je… Vivre chez Largo, c'est hors de question, je ne peux pas. Pas s'il n'est pas là pour être avec moi. Ce n'est même pas la peine d'y penser.
- Et pour l'appart' ?
- Georgi…
- Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour ton fils.
- Laisse-moi le temps d'y réfléchir. Je te donnerai ma réponse demain, quand je viendrai vous voir.
- Tu bouges trop…
- Kerensky, y'a des moments où tu es encore plus tonton poule que Simon, tu sais ?
- T'as pas un anti-déteinte ?

Elle secoua la tête de dépit. Puis elle se mordit la lèvre inférieure.

- Quoi ? s'inquiéta le Russe.
- J'ai envie de caramel, Georgi…
- De caramel ?

Elle se mordit une nouvelle fois la lèvre.

- Déjà des caprices de milliardaire… soupira-t-il. Un vrai gosse de capitaliste, hein !
- T'es un amour, Kerensky !
- Ouais… Un pigeon surtout… Où veux-tu que je trouve du caramel en plein milieu de la nuit, moi ?

Lorsqu'elle rentra chez elle, après avoir dévoré dans la voiture les caramels peu appétissants que Kerensky lui avait dégotés, elle tint promesse, et réfléchit à la proposition du Russe. Effectivement, vu comme ça, ça ne pouvait pas avoir que des mauvais côtés : être près de Simon et de Georgi, être sur le lieu de travail, donc plus près de Sullivan. Et aussi du Penthouse. Et c'était ça qui posait problème. Car elle n'était pas encore convaincue que l'homme qu'elle aimait était mort. Il y avait cette part d'elle qui refusait d'y croire. Cette part d'elle qui refuserait toujours d'y croire…

*

Trois mois plus tard

Joy avait finalement accepté l'idée de Kerensky. Elle en avait fait part à Simon et Sullivan, qui furent tous deux ravis que la jeune femme se soit résignée. Simon et Kerensky peignirent la chambre du petit, filmés par Joy quand elle ne les aidait pas, après avoir posé la caméra de façon à pouvoir garder ce souvenir. Suite à un mauvais mouvement en descendant de l’escabeau, Simon avait renversé le pot de peinture, lequel avait atterri sur la tête de Kerensky, énervant ce dernier encore davantage, ce qui ne paraissait pourtant pas raisonnable. Joy avait été obligée de jouer les arbitres, arbitre d’ailleurs peu objectif de l’avis de Simon, puisqu’elle avait pris le parti de Kerensky. Et c'est ainsi qu'au bout de trois longs jours pour les deux Européens, que la chambre du futur Mr. Winch fut peinte et aménagée comme pour un petit roi.

***

- Joy… gronda le Russe
- Quoi ?
- Tu oses me dire " Quoi ? " ?
- Ben… C'est ce que j'ai dit, non ?
- Tu devrais être chez toi à regarder des idioties à la télé pour passer le temps. Tu bouges trop ! Je te signale que tu es enceinte de huit mois !

La jeune femme leva les yeux au ciel.

- Tu t'en fais pour rien, Kerensky… Et puis il n'y a rien, à la télé ! S'il te plaît… Donne-moi un petit truc à faire… Un tout petit… Un simple dossier de moindre importance me suffirait…
- Le médecin a été clair, Joy. Pas de surmenage.
- A ça, c'est sûr, avec Simon et toi collés à moi, je ne ferai pas de surmenage ! C'est à peine si je peux sortir de mon lit !
- Si j'avais été là, tu n'en serais pas sortie…
- J'en ai marre !
- De quoi ?
- De ne pas pouvoir bouger ! De ne pas pouvoir sortir ! De ne pas pouvoir me défouler en m'entraînant à tirer ! De ne pas pouvoir donner des coups de pieds à mon sac d'entraînement ! De me sentir grosse comme une baleine ! Et de ne pas pouvoir participer à des trucs d'action ! Ça me manque, Kerensky ! Tu n'imagines même pas à quel point ce genre de truc me manque ! J'en ai marre !

Voilà. C'était sorti. Il fallait que ça sorte. L'ex-agent du KGB se tourna vers la future maman, et lui sourit.

- Tu n'es pas grosse comme une baleine, Joy… Et c'est bientôt fini… Dans moins d'un mois, tu es libérée.
- Ouais, c'est pas toi qui te reçois les coups dans le ventre et qui as envie d'huîtres alors que ce n'est plus du tout la saison…
- Quoi, t'as plus envie de caramel ?
- Non.

Le téléphone sonna, et Kerensky décrocha. Son visage laissa l'étonnement se dessiner. Il pesta, s'énerva contre son pauvre interlocuteur, puis il raccrocha, et se tourna vers son ordinateur.

- Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien d'important. Tu ferais mieux de rentrer chez toi pour te reposer, Joy.
- Je répète ma question : qu'est-ce qui se passe ?
- Je répète ma réponse : rien d'important.
- Georgi Kerensky, tu vas répondre immédiatement à ma question, ou je te jure que je vais m'énerver…

Kerensky soupira. Elle ne le laisserait pas s'en sortir comme ça. Il retira ses lunettes, et les posa sur le bureau. Et d'une voix très calme, il répondit :

- Sullivan et Simon sont pris en otage dans la salle du conseil.
- Quoi ? Et c'est ce que tu appelles " rien d'important " ? Il faut quoi pour que ce soit important ? Que le Groupe W explose ?
- Je ne voulais pas t'inquiéter…
- Et ben c'est râpé !

Elle soupira.

- Qui est-ce ? Comment est-il entré ? Et pourquoi ?
- Je te vois venir, Joy. Hors de question qu'on te balance là-dedans, Miss CIA. Tu es en congé maternité, et tu n'es même pas censée être là…
- Tu n'avais qu'à pas m'obliger à venir vivre ici. Ça t'apprendra. Alors ? Qui est-ce ?

Il soupira. La connaissant, lui interdire d'intervenir, c'était promis avec moins de résultats que de s'adresser à un mur. Aussi, Kerensky se résigna.

- Caroline Harris.
- Harris ? Comme Denis Harris, l'un des pilotes mort en même temps que Largo ?
- Sa fille.
- Mais… Pourquoi tiendrait-elle en otage Simon et Sullivan ? Après huit mois ?
- Je n'aurai qu'à lui demander !
- Pas question. Toi, tu restes ici. J'y vais, et je vais discuter avec elle.
- Pardon ? J'ai mal entendu, je crois.
- Non. J'y vais, tu restes ici, et tu appelles les flics.
- Joy…
- On reste en contact, imposa-t-elle en attrapant des micros.
- JOY !

Mais la porte était déjà fermée. Il essaya de suivre Joy, mais déjà les portes de l'ascenseur se refermaient, emmenant son amie au 60° étage. Il jura mais attendit quand même, sachant pertinemment qu'il n'irait pas plus vite en prenant les escaliers. En attendant, il appela la police

Arrivée à destination, Joy s'avança avec le plus d'assurance possible vers la salle du conseil. Elle ouvrit la porte, et se retrouva en face de Simon et Sullivan, tenus en joue par une jeune fille blonde, en larmes. Elle ne devait pas avoir plus de 17 ans.

- Ecoutez Melle Harris, je ne comprends pas pourquoi vous faites cela… tentait Simon.
- Pourquoi ? s'énerva la jeune fille. Parce que ma mère vient de se suicider ! Elle ne supportait pas la mort de mon père ! Elle en a fini ! Et c'est votre faute ! C'est la faute au Groupe W si mon père a pris l'avion ! Je vous déteste !
- Moi aussi je le déteste, ce Groupe… intervint Joy.

Trois têtes se tournèrent vers la future maman.

- Lui aussi il m'a retiré quelqu'un que j'aime, répéta celle-ci.
- Non. Vous mentez ! Ils ont tué mon père !
- Et moi il a tué l'homme que j'aime. Ne faites pas ça, Caroline. Vous êtes encore jeune. Vous avez toute la vie devant vous. Votre père n'aurait pas voulu ça, vous savez. Votre mère non plus.
- Je ne sais pas, ils sont morts avant de pouvoir me répondre…
- Qu'est-ce que vous voulez ?
- Qu'ils paient…
- Croyez-moi ils ont suffisamment payé…
- Je ne parlais pas d'argent…
- Moi non plus.
- Alors ils n'ont pas pu payer…
- Vous connaissez Largo Winch ?
- Qui ne le connaît pas ?! C'était le patron de mon père. Il est mort, lui aussi.
- Vous reconnaissez cet homme ? demanda-t-elle en désignant Simon.
- Non.
- C'était son meilleur ami avant l'accident. Et John Sullivan ici présent, c'était un peu le père spirituel de Largo. Vous voyez, dans cette histoire, vous n'êtes pas la seule à avoir souffert.
- Vous mentez…
- J'en ai l'air ? J'ai l'air d'une personne qui ment ?
- Vous voulez les sauver ! Vous seriez prête à tout pour les sauver !
- En effet, je veux les sauver. Mais je veux aussi vous sauver…
- Oh non, vous n'allez tout de même pas me sortir l'histoire de la brebis égarée ?
- Je ne crois pas en Dieu, alors ça risque pas ! Ecoutez… Je comprends votre douleur. On l'a tous ressentie lorsqu'il y a eu cet accident. Et je suis sincèrement désolée pour votre mère… Mais que voulez-vous que nous fassions ? demanda-t-elle en s'approchant doucement de Caroline. Si ça ne tenait qu'à nous, rien de tout ça ne se serait passé : vous vivriez avec votre père et votre mère, heureuse, et moi je crierais sur Largo pour son irresponsabilité parce qu'il est sorti avec Simon la veille sans m'avoir prévenue. Mais avec des " si " Caroline, on referait le monde. Ce qui est fait est fait. On ne peut pas revenir là-dessus. Alors lâchez cette arme, s'il vous plaît. Ce serait bête qu'il y ait des problèmes. Et je suis sûre que vous ne voulez faire de mal à personne…

Les pleurs de la jeune fille redoublèrent d'intensité, et, peu à peu, elle baissa son arme et desserra petit à petit ses doigts de la crosse. Joy lui prit l'arme des mains, et la lança à Kerensky arrivé entre-temps. Puis elle s'approcha de Caroline, et la prit dans ses bras, en la berçant.

- Je ne voulais pas… Je vous jure… Je l'aimais, ma mère… Et mon père… Je n'en peux plus… Je vous en prie… Je suis désolée…
- Chut… C'est pas grave. Je comprends…

Puis elle fit signe aux autres qu'elle commençait à fatiguer, c'est pourquoi Simon se rapprocha pour prendre l'orpheline dans ses bras, l'accompagner pour la prendre un peu en charge, et discuter avec elle, mais Sullivan le devança, et d'un regard désigna Joy, faisant comprendre au Suisse qu'il valait mieux qu'il reste avec elle. Une fois Sullivan et Caroline partis, Simon et Kerensky se tournèrent vers Joy, la dévisageant.

- Ça va ? demanda Simon
- Oui pourquoi ?
- Tu es toute pâle…
- Ce n'est rien. Je suis fatiguée, c'est tout…
- Tu devrais aller te coucher, Joy. Tu dois être épuisée…
- Je t'avais pourtant dit de rester au Bunker, lui reprocha Kerensky.
- C'est bon, je rentre à mon appartement, vous avez gagné…

Simon sortit sa mini-caméra de sa poche.

- Répète ça, il faut marquer ce jour une pierre blanche, Kerensky !
- Oh ça va ! C'est pas drôle.
- Joy… Tu trembles.
- Ah bon ?
- Allez, viens, on te raccompagne, et tu vas te coucher…
- Ça va aller.
- Et pas de discussion. Tu m'as eu tout à l'heure, mais là, ça ne marchera pas.

Ils montèrent dans l'ascenseur, et appuyèrent sur l'étage où se trouvait l'appartement de Joy. C'est à dire trois étage en dessous.

Mais il y eut un petit problème. En effet, après une secousse, l'ascenseur refusa de descendre. Simon, Joy et Kerensky décidèrent d'attendre patiemment que la machine se décide pour continuer sa descente. Mais au bout de quelques minutes, Joy se plia de douleur. Sa main était posée sur son bas-ventre. Après un regard suppliant au Russe et au Suisse, elle souffla un " Oh non… Pas ça… ". Mais rien n'y fit, le travail avait bel et bien commencé…

- Je t’en supplie, dis-moi que ce n’est qu’une simulation, fit Simon en joignant ses mains en signe de prière.
- Joy, c’est vraiment hilarant, mais…
- Vous croyez que je m’amuse, espèce d’idiots !? s’écria la jeune femme, presque hystérique.

Le sol se mouilla quelque peu…

- C’est quoi, ça ?
- Je crois qu’elle ne blague pas, Simon, dit Kerensky en déglutissant difficilement, alors que leur amie se laissait glisser par terre.


Quelques étages plus haut.

Une petite foule était réunie devant les portes closes de l’ascenseur. Sullivan, passant par là en voulant chercher un papier important, se fraya un chemin entre les personnes et rejoignit Del Ferril et Buzetti qui bavardaient à voix basses.

- Wa
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MessagePosté le: 07 Juil 2003 06:13 pm    Sujet du message: Suite Répondre en citant

- Waldo, que se passe-t-il ?
- Il semblerait que l’ascenseur subisse des dysfonctionnements.
- Encore ? Mais je croyais que les réparateurs avaient tout arrangé cette nuit ! Il va donc falloir se résoudre à utiliser les escaliers.

Alors que l’homme d’affaires allait tourner les talons, il s’aperçut qu’Alicia, contrairement à son habitude, n’avait pas soufflé un seul mot. Il la regarda et vit qu’elle se mordillait nerveusement la lèvre inférieure. Mais devant s'occuper de Caroline, Sullivan retourna dans son bureau, où la police l'attendait ; après avoir donné l'ordre qu'on appelle une équipe de maintenance, bien qu'on soit un dimanche, et que le problème n'était pas de si grande taille…


- Respire lentement, reste calme, oublie la douleur…
- J’aimerais bien t’y voir ! répliqua Joy, le visage déformé par la souffrance. Mais qu’est-ce qu’ils foutent !?
- Tout se passera bien, continua le Suisse d’une voix qui se voulait apaisante. Les secours vont arriver et on va te conduire à l’hôpital pour que tu puisses accoucher. Tout se passera bien…
- Mon œil… marmonna-t-elle avant de se cambrer et d’étouffer héroïquement un autre cri.
- Joy, Joy, regarde-moi, dit Kerensky.

Elle obéit.

- Tu es aussi, sinon plus, consciente que moi que nous ne pouvons pas attendre.
- Je suis très patiente ! démentit-elle. C’est lui (elle pointa son ventre) qui est pressé. Je ne vois pas pourquoi d’ailleurs. Vu le monde dans lequel nous vivons…
- Écoute, reprit-il, nous ne pouvons pas attendre les médecins… Il va falloir que…
- Non ! le coupa-t-elle. Il est hors de question que tu me fasses accoucher ! Je refuse catégoriquement, d'accord !?
- Nous n’avons pas le choix, tenta-t-il, pourtant aussi peu enthousiaste qu’elle.
- Georgi, souffla-t-elle d’une voix plaintive, je t’en supplie…
- Tu as de l’expérience, au moins ? demanda Simon au Russe.
- J’ai déjà aidé une chèvre à mettre bas, lorsque j’étais adolescent. C’est comme le vélo, ça s’oublie pas… enfin, je crois…
- C’est censé me rassurer, ça ?! lança la future mère, déjà en nage.
- Tu le prends comme tu veux, répondit-il. Bon, écoute, tu vas écarter les jambes et je vais…
- Ne dis rien, agis !
- Attendez ! dit le Suisse.

Auparavant agenouillé comme son collègue, il se leva et, plongeant sa main dans sa poche, fit apparaître sa petite caméra numérique.

- Qu’est-ce que…
- Souvenirs, fit-il simplement en la mettant en marche. Allez-y, ça tourne.
- Éteins ce truc ! hurla-t-elle de plus belle en tentant vainement de le frapper.

Mais une autre contraction se fit sentir et elle se crispa. Heureusement, elle portait ce jour-là une jupe assez ample, ce qui facilita le travail de Kerensky. Celui-ci inspira profondément puis plongea la tête sous le vêtement. Il l’en sortit assez rapidement, légèrement pâle.

- Oh oh, ne put retenir Kerensky .
- Quoi ? questionna Simon.
- Elle est assez dilatée.
- Donc ? poursuivit-t-il. Combien de temps ?
- Une heure minimum.
- Pardon !? cria la jeune femme. Non non non, retourne là dessous, je ne veux pas te revoir avant que tu ne me donnes un nombre en secondes.
- Joy, sois raisonnable…

Mais plus les minutes passaient et plus les deux amis sentaient surgir la plus grosse migraine du siècle. Kerensky jetait fréquemment des regards sous la jupe de Joy et le Suisse, malgré la gravité du moment, éclata de rire mentalement en s'apercevant la loufoquerie de la chose : un ex-agent du KGB accouchant une ex-agent de la CIA…

- Respire par la bouche… lança-t-il finalement en voyant celle-ci devenir aussi rouge qu'une tomate.
- Qu’est-ce que tu penses que je fais !? Du tricot ? D'la planche à voile ?
- Tu sais, on voit souvent ça à la télé… Ah oui, fais le p’ tit chien. C’est très facile, regarde.

Et il fit une imitation assez saugrenue de ce pauvre animal, ce qui aurait pu les faire sourire si le moment n’avait pas été si critique. Néanmoins, cette blague improvisée détendit quelque peu l’atmosphère.

- Tu veux peut-être prendre ma place !?

Elle grimaça, Simon aussi, mais pas pour la même raison. Ce dernier bénit le ciel d’être un garçon.

- Joy, lorsque je te le dirai, tu pousseras, d’accord ? dit Kerensky.

Le visage encore plus rouge, celle-ci acquiesça.

- Go ! Pousse !

Elle s’exécuta, retenant par la même occasion un hurlement déchirant. Le chef de la sécurité s’agenouilla à ses côtés et lui prit la main, s’adressant doucement à elle.


Ouf… La jeune fille était rentrée chez elle, il avait tout arrangé avec la police. Ça avait duré une bonne heure, mais tout semblait rentrer dans l'ordre. Il se dirigea vers son bureau, pour terminer un dossier, en contresigner un autre, et préparer un discours. Mais il s'arrêta en plein milieu du couloir, se demandant si Joy n'avait besoin de rien, et si elle allait bien. Il voulu descendre la voir, juste pour s'en assurer. Même si Kerensky et Simon devaient avoir fait très attention à ce qu'elle aille bien se coucher. Il décida d'aller au Bunker, afin de ne pas réveiller Joy, si jamais elle dormait dans son appartement, mais l'ascenseur était toujours en panne, et c'est en pestant qu'il en prit un autre. Il fut encore plus énervé lorsqu'il remarqua que le Bunker était vide. Chose très inhabituelle. Il remonta dans l'ascenseur, et alors qu'il allait demander à Gabriella s'il savait où étaient Simon et Kerensky, il croisa Alicia Del Ferril, se dirigeant vers son bureau.

- Ah, Alicia ! Auriez-vous vu Mr. Kerensky par hasard?

Comme tout à l'heure, elle se mordilla la lèvre.

- Non, pas depuis tout à l'heure...

Sullivan haussa un sourcil.

- Où l'avez-vous rencontré ?
- Il montait dans l'ascenseur avec M. Ovronnaz et Mlle Arden.

John perdit ses couleurs, comprenant soudainement ce qui pouvait se passer…

- Quand ? demanda-t-il.
- Juste avant la panne.

La laissant en plan, il courut jusqu'à l'appareil endommagé. Se pouvait-il que… Non, il se faisait des idées. Ils avaient sans doute eu le temps de sortir avant que… Il sourit, comme pour se moquer de lui-même, et tourna les talons. Et soudain, un cri sourd lui monta aux oreilles…

- Oh mon Dieu, cria-t-il. Appelez la maintenance d'urgence, et une ambulance !


- Tout se passera bien, t’as pas à t’en faire.
- T’es sûr ?
- …Mais oui, Kerensky a la situation bien en mains. C'est le moins qu'on puisse dire, murmura-t-il pour lui-même.

L'intéressé se tourna vers eux, lui lança un regard terrifiant et dit :

- Donne-moi ta chemise.
- Hein ?
- J’ai besoin de linges, maintenant. Le bébé va bientôt arriver.
- Déjà ?! s’étonna-t-il en s’exécutant.
- Ça se voit que ce n'est pas toi qui le met au monde, grinça Joy.

La tête du Russe disparut à nouveau. L’ancien voleur se tourna vers la jeune femme.

- Ça va ?
- J’ai l’air d'aller bien ?

Il tenta de sourire, mais n’arriva qu’à afficher un léger rictus.

- C’est bientôt terminé, promit-il en lui caressant le front.

Les larmes brillaient dans les yeux de Joy mais elle les retenait courageusement. Il sut qu’elle avait besoin de l’entendre.

- Largo serait fier de toi, Joy.

Elle frémit et lui prit la main.

- Tu filmes toujours ? demanda-t-elle après une autre contraction.

Il hocha la tête. Georgi abandonna un instant sa tâche ardue pour les regarder.

- Bien, chuchota-t-elle. Alors comme ça, s’il revient…

Elle ne finit pas sa phrase, fermant les yeux pour contrer la douleur. Les deux hommes échangèrent un regard puis retournèrent chacun à leurs occupations respectives.

- J'ai besoin d'eau, avisa alors Kerensky.
- Pourquoi ? s'étonna Simon.
- Tu crois qu'on a le temps de te donner un cours !? Donne-moi de l'eau et ferme-la !
- Mais où tu veux que je prenne de l'eau !? J'ai l'air d'un distributeur ?!
- Dans mon sac, articula Joy.
- Hein ?
- Dans mon sac...

Le Suisse le prit donc et plongea la main dedans. L'instant d'après, il l'en ressortait, brandissant un bouteille d'eau minérale.

- Je peux savoir pourquoi tu te trimballes ce truc ?
- Pour pouvoir t'assommer avec…

Kerensky, à bout de nerfs, arracha à Simon l'eau tant convoitée et se remit à la tâche.

- Je vois la tête, annonça-t-il.

Puis, quelques minutes plus tard…

- Les épaules maintenant. Le plus dur est passé, pousse une dernière fois Petrouchka.

Elle retint un dernier cri, broyant au passage la main droite de Simon, tandis que Kerensky prenait précipitamment la chemise du suisse, posée à ses côtés. Quelques minutes plus tard, il tendit la chemise – qui était à l'origine vert fluo – devenue rouge sang dans leur direction. Les larmes glissaient maintenant librement sur les joues de la nouvelle maman. Tremblante, elle prit son fils dans ses bras et le serra contre elle.

- Bonjour, Matthew, chuchota-t-elle finalement.
- Matthew Arden, Matthew Winch… Parfait !
- Il va faire des ravages parmi la gente féminine, y’a pas à dire ! Regardez ses jolies petites mains… renchérit Simon, devenu gaga.
- C’est pas tout ça, fit le Russe, attendri lui aussi devant le portrait qu’offraient la mère et son enfant réunis, mais il faudrait penser à sortir d’ici.
- C’est sûr, et pour ça, il suffit de dire : " Sésame, ouvre-toi ! " ironisa le Suisse.

Comme par magie, la cabine subit une secousse et se mit à descendre. Tous regardèrent Simon, tout aussi ébahi qu’eux. Les portes s’ouvrirent sur les visages soulagés de dizaines de personnes, et celui, en particulier, de John. Une myriade d’expressions déferlèrent chez lui, de la surprise au ravissement total.

- Mon Dieu Joy… Comment allez-vous… C'est… bafouilla-t-il. Oh Seigneur… Je… Félicitations… Enfin… Mon Dieu… répéta-t-il.
- John, coupa Kerensky, si vous pouviez avoir l'obligeance d'appeler une ambulance, s'il vous plaît…
- Elle… c'est déjà fait elle… elle arrivera dans quelques minutes…


A des milliers de kilomètres de là, Largo Winch était loin de se douter qu'il était devenu le papa d'un magnifique bébé. Mais il ne pouvait s'en soucier : en effet, Michel était en bien mauvaise posture. Il avait voulu se détendre un peu, et surtout passer le temps en allant nager. Mais il s'était éloigné de la plage. Un peu trop, d'ailleurs. Si bien qu'un requin vint à passer par là… Largo tentait de le prévenir, mais Cardignac lui répondait par de grands " coucou ", ne comprenant pas où Largo voulait en venir.

C'est lorsqu'il vit un aileron de requin à deux mètres de lui qu'il comprit la signification des gestes que son nouvel ami lui faisait. Il se mit à crier, et à nager plus vite qu'un champion olympique dopé… Largo se rua sur les harpons que Michel et lui avaient conçus, et commença à les lancer sur l'animal lorsqu'il put l'atteindre. Si bien que le requin lâcha prise, et partit dans l'autre sens, laissant Cardignac se calmer un peu, et remonter tranquillement sur le rivage. Il arriva hors d'haleine sur le sable blanc, et s'étala de tout son long sur la plage.

- Ça va ? lui demanda Largo.

Un grognement répondit à sa question.

- Oh la !! Tu redeviens le Michel que j'ai connu à mes débuts au Groupe !!
- Largo… Sauf ton respect : tais-toi. Au fait, fais-moi plaisir, la prochaine fois que je voudrais me détendre en allant me baigner, promets-moi de m'assommer et de m'empêcher de le faire…
- Arrête, je pourrais te prendre au mot…
- Dormir…
- Ton vœu le plus cher du moment, je me trompe ?
- Non.
- Et tu comptes dormir ici ?
- Oui.
- Et si un crabe arrive, tu fais quoi ?

L'ancien président de la Winch Air se releva d'un coup et regarda partout autour de lui, affolé, sous les rires de Largo.

- Ce n'est pas drôle, Largo.
- Moi je trouve que si !
- Ouais…

Et la vie sur l'île reprit son cours…

*

5 jours plus tard

Joy, son enfant dans les bras, pénétra dans son appartement au Groupe. Elle se dirigea directement vers la petite chambre préparée pour son fils et, délicatement, le déposa dans son berceau. Elle lui chanta une berceuse, puis, lorsqu'il ferma les yeux, lui déposa un tendre baiser sur le front. Elle le regarda dormir pendant un temps indéfini. Il était si beau. Les yeux bleus de son père. Bleus profond. Comme cela, elle pourrait se noyer dans les yeux de son fils, comme elle le faisait autrefois avec le père. Une larme solitaire roula sur sa joue.

Elle rejoignit ensuite le salon, et se laissa tomber sur un sofa, ressentant encore les effets de son accouchement. Après qu'elle et ses deux amis avaient été délivré de leur cage, elle avait été conduite à l'hôpital le plus proche où on lui avait passé plusieurs tests, tous inutiles car elle allait parfaitement bien, étant seulement épuisée. Le nouveau-né avait été placé dans une espèce d'incubateur, puisqu'il était prématuré, mais se portait à présent à merveille. Même si elle avait amplement eu l'occasion de se reposer ces derniers jours, elle sentait le sommeil engourdir son corps. Elle alla jeter un dernier coup d'œil au petit puis regagna sa chambre.

Dans le bunker

- Quand même, lui dire que t'avais déjà pratiqué un accouchement sur une chèvre, c'était risqué ! C'est vrai, cette histoire ?
- Oui, et je ne répèterai jamais l'expérience !
- Au moins, tu t'en es bien sorti.
- Je suis assez fier du résultat, avoua le Russe, une moue satisfaite sur le visage.
- D'après toi, qui sera le parrain ?
- J'sais pas.

Un silence pesa. Tous les deux, sans le savoir, pensaient à la même chose: la phrase prononcée par Joy lors de l'accouchement et concernant Largo. Simon pensa à voix haute :

- C'est fou qu'elle y croit encore après tout ce temps, hein ?

Et c'est sans le savoir aussi, presque inconsciemment, que son camarade répondit :

- On y croit tous encore, seulement, on n'ose pas le dire tout haut. Elle garde espoir...
- Ouais… tu sais, je… il m'arrive de penser qu'il est peut-être encore en vie, quelque part, et qu'il attend qu'on vienne le chercher… Et puis, je me dis que c'est bête, que je me fais des idées.
- Je comprends, ça m'arrive aussi, parfois.
- Il a fait tant pour nous, et nous…
- On a fait ce qu'on pouvait, dit Kerensky, sans y croire lui-même.
- On aurait pu faire plus.
- Peut-être. Peut-être pas.

Un ange passa.

- Est-ce que M. Blizz t'a rejoint pour te faire part des dernières modifications pour le voyage ? demanda Kerensky.
- Oui, finalement la réception aura lieu dans trois mois.
- Je vois. Sullivan a-t-il été informé ?
- Ouais, il s'y prépare déjà.
- Faut dire que c'est un gros contrat. Très important pour le Groupe. Il est normal qu'il soit enthousiaste.
- Paniqué serait le mot juste, rigola Simon. Je suis passé le voir, ce matin, et il révisait déjà son discours !

Ils rirent tous les deux.

- Et où aura lieu la soirée ? s'enquit encore Georgi.
- Dans sa propriété, quelque part dans le Pacifique. Nous aurons plus de renseignements bientôt.
- Bien, je m'occuperai des questions de sécurité. Nous y allons toujours avec John ?
- Oui.
- Bien, répéta le Russe.

***

Trois semaines après la naissance surprise de Matthew, nos trois protagonistes préférés étaient réunis dans l'appartement de Joy. Celle-ci les avait invités à déjeuner. Mais alors qu'ils allaient entamer le dessert, le bébé, qui était jusqu'alors en train de babiller à tout bout de champs dans son berceau, se mit à crier, et à hurler aussi fort que ses petits poumons le lui permettaient. Tous sursautèrent. La mère se précipita vers son enfant, le prit dans ses bras et, sous le regard attendri de ses amis, se mit à lui fredonner une douce ballade. Mais rien n'y fit. Le nouveau-né ne voulait rien entendre et continuait de brailler énergiquement.

Le Suisse, dont les tympans menaçaient d'exploser pour la deuxième fois en moins d'un mois, se boucha les oreilles et lança :

- Mais qu'est-ce qui lui prend ?
- Je ne sais pas… balbutia la maman en tentant toujours de le calmer.
- Sa couche ne serait pas sale ? proposa Kerensky.
- Pas d'après mon nez.
- Il a peut-être faim, tenta à son tour Simon.
- Il a mangé avant que vous n'arriviez…
- Il veut peut-être son…

Simon se tut. Il avait faillit prononcé de mot " papa ". Mais tous avaient deviné. Joy évita leur regard mais Kerensky, au contraire, envoya un regard effrayant au pauvre Suisse, qui se recroquevilla sur sa chaise.

- Il veut peut-être un jouet… ?
- Il est beaucoup trop jeune pour être à ce point matérialiste, voyons.

Mais les deux hommes ne tinrent pas compte de sa dernière remarque.

- Tu sais, Kerensky, je crois qu'est venu le temps de dévaliser les boutiques.
- Tout à fait d'accord.

Ils se tournèrent enfin vers leur hôte.

- On revient, dirent-ils en cœur avant de se diriger vers la porte.
- Mais… ! cria-t-elle pour se faire entendre par-dessus les cris de son fils.

La porte se referma. Elle soupira et regarda Matthew qui, en plus de hurler, commençait à baver généreusement.

- T'as de la chance d'être si mignon. Beurk…

Arrivés au Centre Commercial, les deux hommes se dirigèrent vers les jeux pour enfants : peluches, poupées, playmobiles, petites voitures… Tout pour faire le plaisir du pitchoune.

- Tiens, regarde Kerensky ! Un super Télétubbie !!
- Tu te fous de moi ?! C'est nul comme truc !!
- Un Furby ! Il est tout petit, tout bleu… C'est mignon…
- Tu veux vraiment le rendre plus débile que toi ? Je pensais que tu voudrais qu'il ait une meilleure vie que la tienne.
- Ben voyons monsieur " j'ai pas de vie sociale " !! Ça te va bien de critiquer !! Et puis t'as qu'à donner des idées au moins…
- Je persiste à dire qu'on pourrait lui acheter un super ordinateur portable…
- Kerensky… Matthew n'a que trois semaines… Tu vas quand même pas lui bousiller les yeux avec un écran… ?
- Cette peluche est moche. Pas un Furby. C'est écrit que ça apprend ce que les personnes lui disent. Or, à trois semaines, tout ce qu'on sait faire, c'est brailler… Il va pas avoir beaucoup de conversation…
- Propose…
- Ben… On n'a qu'à lui acheter… Un biper…
- Un biper ? Oui… Bien sûr… Et un téléphone portable… Même un fax, si on trouve ! se moqua le Suisse. Tu sais quoi ?
- Nan… Vas-y, explique-moi tout…
- On fait nos achats chacun de notre côté, et on s'attend à la sortie. On verra bien ce que Matt aura préféré… !
- Alors c'est la guerre !!!

Ils se dévisagèrent méchamment, et coururent chacun à l'opposé.

Kerensky était dans les peluches. Bon… Quel était son animal préféré au pitchoune, déjà ? Ah oui… C'est vrai qu'à trois semaines, on ne sait pas encore ce que c'est qu'un animal, et la seule chose qu'on préfère c'est le sein de sa maman ou alors son lit… Ben… Qu'est-ce qui avait une belle gueule comme animal… ? Quand même… Il préfèrerait lui acheter un petit gadget… Ben oui, mais quoi ? Un biper ? Non, il ne se souviendrait même pas du numéro… Alors… Une veilleuse ! Mais oui ! Joy lui avait dit que Matt n'avait pas l'air d'apprécier le noir… Ennuyeux s'il devenait comme son père, à s'attirer les emmerdes comme un aimant… M'enfin ils n'en étaient pas encore là… Le Russe se rendit au rayon veilleuses, et chercha la plus belle. Quand il la trouva, fier de lui, il se rendit vers la caisse la plus proche. Mais son regard tomba sur un parc. Un magnifique grand parc avec plein de gadgets parfait pour l'éveil d'un bébé. Craquant, le génie de l'informatique se dirigea vers le vendeur, et demanda à acheter l'objet.

Simon parcourait les rayons. Rien. Rien pour son petit neveu… D'accord, y'avait plein de peluches, mais bon… Il n'allait pas acheter toutes les peluches tout de même… Comment faire pour foutre la pâtée à son Russe préféré… Quelqu'un vint le déranger :

- Je peux vous aider, monsieur ?
- Non merci je…

Mais il s'arrêta net lorsqu'il vit le magnifique bout de femme qui ne voulait qu'une chose : l'aider. Hop là ! Tout de suite : position DRAGUE !!!

- En fait, si ! Je cherche un cadeau pour mon neveu, il n'arrête pas de pleurer… Alors je cherche un truc qui pourrait le calmer.
- Oh. Je vois… Vous êtes très attentionné…
- Vous trouvez aussi ? se vanta le Suisse.
- Vous avez des tétines ?
- On lui en a acheté 6.

La jeune femme le regarda, le prenant pour un illuminé. Qu'est-ce qu'un bébé allait faire de 6 tétines ?

- Son père est porté disparu… Alors on essaie de combler le vide… expliqua le chef de la sécurité
- Oh… Je suis désolée… s'excusa la jeune femme.
- Donc on le gâte un peu trop. Sa mère essaie de nous faire décrocher, mais on est complètement gâteux quand on le voit ! C'est plus fort que nous !
- Nous ?
- Avec un copain… D'ailleurs il a de l'avance, ce con… Donc, à votre avis, qu'est-ce qui lui ferait plaisir ?
- Quel âge a-t-il ?
- Trois semaines.
- Mais à cet âge, l'enfant y est indifférent monsieur !
- Ah bon ? Oui, mais pour nous c'est important ! Et Simon. Je m'appelle Simon.
- Un hochet… bien qu'il soit un peu jeune pour ce genre de jouets. Peut-être une veilleuse musicale. Ou bien un interphone…
- Un parc ? Un ordinateur éducatif ? Des marionnettes ? Des playmobiles ?
- Un ordinateur éducatif ? répéta la jeune femme, incrédule.
- Voui !!! J'ai trouvé !! Merci beaucoup… Sophie ! termina-t-il après avoir lu l'étiquette. Je peux vous inviter à dîner, au fait ?
- Euh… Ben… Oui…
- Tenez ! Vous n'aurez qu'à m'appeler !

Il sortit une de ses cartes de sa poche intérieure, et la donna à la vendeuse, qui ne comprenait pas qui était cet hurluberlu…

- D'accord…

Mais Simon était déjà loin : le rayon des ordinateurs éducatifs…

Néanmoins, si Simon avait acheté le net plus ultra des ordinateurs éducatifs pour bébés, il avait aussi pris une gameboy advance, et une play station 2.

Au bout d'une demi-heure, le Suisse retrouva le Russe au Parking. Il finissait de remplir le coffre. Normalement, tout devait rentrer : le parc n'était pas spécialement grand, et une veilleuse, c'est pas aussi grand qu'un frigo ! Sauf que Georgi avait aussi craqué pour un petit train électrique, et un trotteur, ainsi qu'un canard en plastique pour le bain. De toute évidence, le Russe avait beaucoup plus dépensé que Simon, qui eut une forte envie de retourner dans le magasin, et de ne revenir que lorsqu'il aurait plus de jeux !! Mais il regarda ses cadeaux, pour finalement avancer vers Kerensky, la tête haute, et déposer tout son fatras sur la plage arrière. Puis il alla s'asseoir, et attendit son ami, qui arriva un quart d'heure après. Ils se défièrent du regard, et finalement, prirent le chemin du Groupe W. Le plus dur à présent, serait de tout charger à l'étage de la maman…

Quelqu'un frappa à la porte. Joy coucha son fils, et alla ouvrir. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle vit les gars de la sécurité entrer les bras chargés, suivis de Simon et Georgi, se défiant toujours du regard. Une fois tout le petit monde parti, la jeune mère se tourna vers " Guerre Froide 2 " version Suisse vs Russie. Elle se racla la gorge, pour les ramener à la réalité, et les deux interpellés se rendirent soudainement compte qu'ils étaient arrivés à destination.

- Quoi ? demanda Simon, voyant le regard noir de Joy, et ses mains sur ses hanches.
- Tu oses me demander " QUOI "' ?
- Ben… Voui pourquoi ?
- Non mais c'est quoi ce bazar ? Qu'est-ce qui vous a pris ? Hein ?
- Ben… Matthew n'arrêtait pas de pleurer, se justifia le Russe.
- Au fait, il est où le pitchoune ?
- En train de dormir…
- Dormir ?
- Oui, tu sais, ce que tu fais 14 h sur 24… !!!
- Tu l'as calmé ?
- Je lui ai donné son doudou, et oui, il s'est calmé !

Puis Joy tourna la tête, et observa les cadeaux offerts par ses amis, se rendant peu à peu compte de leur folie…

- Qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse d'une play station ?
- C'est pas moi, ça, c'est Simon ! protesta le Russe.
- Oh ça te va bien de dire ça, Georgi !! lança Joy.
- Pourquoi ?
- Parce que tu crois qu'un train électrique va lui servir à trois semaines, toi ?
- Ben… Pour plus tard…
- Kerensky, c'est déconseillé aux moins de 3 ans !!!!!
- C'était juste pour aider, hein !
- Mais je ne vous ai pas demander d'aide, moi !
- Au fait, c'est quoi son doudou ? éluda Simon, qui n'aimait toujours pas quand Joy criait.
- Une serviette rouge qui appartenait à Largo… C'est Sullivan qui me l'a donnée l'autre jour, parce qu'il bavait un peu trop…
- C'est parce qu'il était en face d'une belle femme, plaisanta Simon, qui s'imaginait déjà draguer les minettes avec le pitchounet.
- Il ne la lâche plus depuis…

Puis au bout de quelques secondes, Simon reprit :

- Kerensky, on est à égalité, c'est Sullivan qui a gagné…
- Ouais…

***

Le chaud soleil d'avril illuminait le parc. La chaleur, agréable et réconfortante, était telle qu'aucun de nos protagonistes n'avait eu besoin d'enfiler un sur-vêtement avant de sortir. Seul Matthew avait dû, en raison de son jeune âge et de l'attitude sur-protectrice de sa mère, porter un léger veston blanc. Installé dans les bras de sa maman, il babillait gentiment, s'émerveillant devant tout ce qu'il voyait. Il s'agissait en effet de sa première sortie officielle, et il en profitait pleinement. Pendant ce temps-là, les trois autres, lunettes fumées sur le bout du nez, discutaient tranquillement, toujours attendris par la conduite tendre de leur amie envers son fils, amie à qui la maternité réussissait merveilleusement bien.

Et puis soudain, un bruit, comme un souffle de vent, suivi de près par un cri, vint briser la quiétude. Sur une impulsion née de l'habitude, ils se couchèrent par terre.

Alertes, Kerensky et Simon scrutèrent du regard les environs et parvinrent en un instant à voir d'où venait le danger.

Une camionnette noire était garée à l'entrée du parc. Ils n'y avaient jusque là pas porté attention, mais en plissant les yeux, le Russe put distinguer plusieurs hommes cachés derrière, qui plus est : lourdement armés.

Ils continuaient de déverser leurs balles par salves, qui semblaient inépuisables. Les deux hommes reportèrent leur attention sur leur amie, et la virent, étendue aussi par terre, recouvrant de son corps son enfant, pour le protéger. Celui-ci hurlait, apeuré, sourd aux douces paroles de sa mère, tout aussi effrayée que lui. Jamais elle ne leur avait parue si démunie face au danger : car cette fois-ci, la vie de son bébé était en jeu. Elle se tourna vers eux et souffla d'une voix brisée :

- Est-ce que ce sont leurs hommes ?

Ils comprirent immédiatement. La Commission avait-elle découvert cette vérité qu'ils tentaient de cacher ? Les réponses viendraient plus tard. Pour l'instant, il fallait sortir de ce pétrin, là était la priorité.

Sur un signe de Kerensky, ils se mirent à ramper tant bien que mal pour se mettre plus à l'abri. Mais comme ils atteignait un buisson de taille moyenne pouvant les dissimuler à l'ennemi, la fusillade redoubla d'intensité.

- Ils attaquent par l'autre côté ! cria Simon.

En effet, d'autres hommes semblaient postés de l'autre côté du parc. Ils étaient encerclés, pris au piège.

*

Joy serrait Matthew tout contre elle, ne luttant plus contre les larmes qui se déversaient sur ses joues. Le petit avait enfoui sa tête contre la poitrine, recherchant un réconfort qu'elle ne pouvait lui offrir. Elle priait intérieurement pour qu'il ne lui arrive rien, et maudissait en même temps cette organisation qui avait le don de lui briser la vie.

L'évidence qu'elle avait jusqu'alors rejetée la frappa de plein fouet. Matthew n'aurait jamais une vie normale, quoi qu'elle puisse faire.

Alors qu'ils commençaient à se croire perdus, n'ayant plus de munitions, à la merci de leur ennemi qui les avaient encerclés, des sirènes retentirent au loin, se rapprochant. Voyant le danger, leurs assaillants durent plier bagages et déguerpir le plus vite possible. En quelques minutes, le silence revint dans le parc. Seuls les cris de l'enfant résonnaient encore.

Les voitures de police arrivèrent, cette fois encore trop tard, et les officiers, armes au point, inutilement – bien entendu –, débarquèrent et scrutèrent les alentours. Heureusement, la place était pratiquement vide. Aucun blessé grave, ou de morts à déplorer, juste quelques égratignures légères.

Lentement, ce qui restait de l'Intel Unit sortit de sa cachette improvisée. Après avoir répondu aux questions des autorités, ils eurent enfin la permission de quitter les lieux. Alors qu'ils s'éloignaient, encore sous le choc des récents événements, les paroles d'un sergent discutant avec l'un des siens vinrent à leurs oreilles. Celui-ci disait qu'ils avaient eu de la chance qu'il n'y ait eu aucun mort à déplorer. Puis, il enchaîna en disant qu'il leur faudrait avoir une petite discussion avec leurs taupes. Ce règlement de compte, prévu depuis une semaine par un certain gang, ne devait avoir lieu que le lendemain.

En entendant cela, les trois amis se figèrent. Ils échangèrent un regard lourd de sens, et Joy expira longuement, soulagée. La Commission n'avait donc rien à voir dans tout cela. Mais malgré ça, ils avaient été en danger. Et l'adrénaline n'était pas ce qu'elle avait le plus ressenti durant l'attaque. Et si jamais Matthew avait été blessé, ou pire… Elle secoua la tête et ils reprirent leur route.

La vie reprit son cours, Matthew grandissait très vite, découvrant ou réussissant à faire quelque chose de nouveau chaque jour… Joy tentant de calmer Kerensky et Simon qui voulaient toujours lui acheter des tonnes de trucs plus inutiles les uns que les autres à un gamin de bientôt trois mois…

Les affaires du Groupe W continuaient tranquillement, si bien que Sullivan devait aller dans les environs des îles Fidji pour aller à une réception qui clôturerait un gros contrat. Pour plus de sécurité, suite à un attentat survenu dernièrement, Simon et Kerensky devaient l'accompagner, préférant laisser Joy avec son fils. Mais si le Russe n'était guère enchanté à l'idée de devoir quitter ses petits ordinateurs chéris, et que Simon, lui n'attendait que ça, Joy haïssait cette idée. En effet, c'était là que l'accident mortel de Largo s'était passé presque un an auparavant. Et elle était folle d'angoisse à l'idée que le drame ne se reproduise. Elle en avait parlé à Kerensky, qui l'avait rassurée tant bien que mal. Mais ses peurs n'étaient que dissimulées. Car l'effroi demeurait toujours dans la tête de la jeune maman.

C'était le matin du départ. Joy faisait tout ce qu'elle pouvait pour les retenir, et les empêcher de partir. Mais ils ne pouvaient pas. Ce n'était pas possible, et elle le savait très bien.

- Ne t'inquiète pas, Joy, tenta de la rassurer pour l’énième fois Simon. On reviendra entiers, et tu nous maudiras parce qu'on aura acheté trois tonnes de cadeaux à ton fils. D'ailleurs, si j'en trouve qui sont intéressées, je te ramène quelques sirènes pour lui…
- Arrête, tu vas me le dévergonder… répondit Joy, un peu plus rassurée par la décontraction affichée par son ami.
- Écoute, je te promets qu'on t'appelle dès qu'on est arrivés. D'accord ?
- Je ne peux pas vous accompagner ?
- Et Matthew ? Non. Tu restes ici, et tu profites de ton fils. Il a besoin de toi. Alors tu restes près de lui, et tu nous le bichonnes ! Je te préviens que si à mon retour, il me dit que tu ne l'as pas assez câliné, j'appelle l'assistante sociale pour le prendre sous mon aile ! plaisanta-t-il.
- Le pauvre ! railla Kerensky. Il ne mérite pas ça ! Joy, bichonne-le ton bébé !

La jeune femme sourit. Matthew, voyant ses tontons entrer dans le grand engin, se mit à pleurer. Simon, Georgi, et même Sullivan durent le serrer dans leurs bras et lui faire un gros papous pour qu'il se calme enfin. Les yeux humides, il fit, aidé par sa maman, de grands " au revoir " de sa petite main. Le cœur gros d’inquiétudes, la jeune maman les laissa enfin, entrer dans l’avion. Tout en caressant le dos de son fils, elle regarda l’appareil décoller, puis disparaître dans le ciel sans nuages.

***

Le voyage se passa très bien. Pas de turbulence, et un accueil très accueillant, selon les dires de Simon, qui prenait plaisir à voir plein de jolies femmes en tenues légères. Il faisait en effet très chaud, dans les 30°. Le contrat fut signé, et tous furent très heureux. La construction du bâtiment commencerait très bientôt et dans quelques mois, un an tout au plus, un hôpital psychiatrique verrait le jour. Sullivan prenait ce projet très à cœur et ils fêtèrent joyeusement l'évènement.

***

Une semaine après leur départ, ils étaient de nouveau en train de préparer leurs bagages, prêts à retourner à New York. Il leur tardait de retrouver Joy et le petit. Comme promis, ils lui avaient acheté de nouveaux jouets, si bien que des sacs traînaient un peu partout dans le jet. Mais avant de repartir, M. Blizz, finalement très sympathique, les avait conviés à une balade dans son hélicoptère privé. Il leur avait promis des paysages sensationnels, et c'est ce qu'ils trouvèrent en effet. Ils firent le tour des îles d'un archipel éloigné, regardant de haut les plages de sable blanc, la forêt verdoyante et généreuse, les bancs de corail visibles dans l'eau claire, une habitation de bois entres les arbres, deux hommes se baladant, puis leur faisant de grands signes…

***

La chaleur était accablante. Aussi, nos deux Robinson quasi-déshydratés avaient-ils entamé une longue marche jusqu'à leur source principale d'eau potable. Ils se croyaient en plein désert tellement la température était étouffante.

- Ce que je ne donnerais pas pour un verre de lait, se plaignit Largo.
- Et moi pour un scotch avec de la glace ! répliqua sur le même ton son ami.

Gémissements. Ils firent encore quelques pas difficiles.

- Je savais bien que nous aurions dû faire des réserves, dit Cardignac en s'essuyant le front du revers de la main.
- On en a fait, lui rappela son compagnon. Mais les gourdes que tu as fabriquées n'étaient pas étanches.
- Oh...

Encore quelques pas.

- Je deviens fou, s'écria le jeune homme.
- Hein ? Encore ?
- Idiot… J'entends un bruit… comme… comme un hélicoptère, c'est fou !

Michel s'arrêta soudain, tendant l'oreille. Il haussa les sourcils, surpris. Largo, qui avait continué sa marche, se tourna vers lui.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je… je crois que c'est un mirage collectif, je l'entends aussi.
- Les crevettes, tu crois ? Elles avaient un drôle de goût…
- J'en ai pas l'impression…

Ils levèrent les yeux au ciel. Une espèce de grosse mouche se dirigeait vers eux, survolant leur île.

- C'est… c'est !!!
- YAHOU ! hurlèrent-ils en cœur, sautant littéralement dans les airs et faisant de grands signes.
- Ils se posent Michel, cria Largo. On est sauvés !

Et ils coururent, oubliant la fatigue et leurs membres endoloris, vers leurs sauveteurs.

Non… C'était impossible… Ses yeux le trahissaient, il était fatigué… Et pourtant… Les deux hommes qui leur faisaient de grands signes en courant ressemblaient comme deux gouttes d'eau à Largo et Cardignac… Simon regarda son ami russe, et comprit à son regard qu'il voyait la même chose que lui. Et Sullivan semblait penser pareil… Quant à Blizz, il ne semblait pas comprendre ce qui se passait, mais était content de sauver des naufragés.

Nan… Je nage en plein délire… pensait Largo, ce n'est pas possible…

Parvenu à trois mètres de ses sauveurs, Largo s'arrêta, suivi par Cardignac, qui, comme avant se mit à grogner… Non… Il ne rêvait pas… Largo ferma les yeux, et les rouvrit. Simon, Kerensky, Sullivan et un autre type qu'il n'avait jamais vu étaient là. Tout près de lui. Ce n'était pas possible… Après une longue année, douze mois qui avaient semblé éternels, ils étaient saufs, Michel et lui…

Simon n'en croyait pas ses yeux. Largo. Son Largo, son meilleur ami, et accessoirement patron, son pote, était là devant lui. Souriant, en forme, même après un an aux côtés de Cardignac… Finalement, il se décida… :

*

- Largo ? demanda-t-il tout doucement, comme pour se prouver qu'il ne rêvait pas.
- Simon vieux frère, comment tu vas ?
- Largo ! Kerensky, il est en vie !! Tu vois ? J'avais raison !! Il est en vie !! Il est en vie !! Wouah !!

Et finalement n'y tenant plus, il lui sauta dans les bras, en l'embrassant sur la joue, et en pleurant comme une madeleine. Son rêve le plus cher se réalisait. Son meilleur ami était là devant lui, bien vivant, et ce n'était pas un rêve…

- Putain de merde Largo t'es en vie ! lâcha finalement Simon, en laissant Kerensky et Sullivan le serrer dans leurs bras. T'es là ! J'en r'viens pas ! J'en connais une qui va être contente… Largo… Si tu voulais nous faire pleurer, ça a marché !!!
- Hum ! se racla la gorge Michel. Je voudrais pas vous déranger, mais moi aussi je suis en vie…

Simon, Kerensky et Sullivan semblèrent s'en rendre soudainement compte, tandis que Blizz restait en retrait, ayant compris ce qui se passait, et ne voulant pas déranger les retrouvailles… Finalement, après une heure d'accolades, de sourires, et de " Oh ben ça alors… " , " Largo… ", " Et sinon ça va ? ", les deux naufragés retrouvés les invitèrent dans leur petit " chez eux ", pour discuter. Bien entendu, le sujet de conversation fut rapidement lancé par Largo :

- Et Joy ?

Simon et Kerensky se regardèrent. Ils lui disaient ? Ou ils ne lui disaient pas ? Le dira ? Le dira pas ? Ils regardèrent Sullivan, qui leur fit comprendre d'un regard que cette histoire se passait entre Joy et Largo, et qu'ils n'avaient rien à dire. Et ça, même s'il avait envie de le lui crier, Simon ne le dirait pas à Largo…

- Elle va très bien… Super bien même. Enfin… Tu vois ce que je veux dire… expliqua plus ou moins bien Simon. Tu lui manques. C'est dingue !
- Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c'est réciproque, M. Ovronnaz, intervint Cardignac. Largo n'a pas arrêté de me rabattre les oreilles avec ça…
- Hey ! protesta Largo. C'était censé rester entre toi et moi, ça !?
- Bah ! De toutes façons, tu m'as dit que tu ne la laisserais pas partir, cette fois-ci…
- Sauf si elle a refait sa vie… lâcha le milliardaire. Et si elle m'a remplacé…
- Y'a bien quelqu'un de nouveau dans sa vie, mais t'inquiète pas ! le rassura Simon. Elle est encore folle de toi !
- Elle a quelqu'un dans sa vie ?
- Quelqu'un ? Oui. Mais rassure-toi, tu as toutes tes chances, et je suis sûr que tu adoreras ce quelqu'un.
- Euh… Je sais pas… Qu'est-ce qui te fais croire ça ?
- Un petit quelque chose… Tu verras. Bon, et toi, alors, comment vous avez fait pour survivre ? Et puis " tu " ? interrogea Simon. Vous vous tutoyez, maintenant ?
- Ben, je te signale qu'on a vécu un an ensemble, Simon…
- Alors, vous avez fait comment ? Et les pilotes ? Que sont-ils devenus ?
- Et vous, cette année, comment s'est-elle passée ?

Ils se racontèrent tout ce qui s'était passé pendant cette année, Simon, Kerensky et Sullivan prenant soin d'omettre dans leurs discussion, l'existence de Matthew… Quant à Largo et Cardignac, ils racontèrent les évènements importants s'étant déroulés durant cette année passée sur cette île, leur expliquant qu'ils n'avaient finalement pas retrouvé le corps des deux pilotes. Largo conclut que Jerry devait être finalement heureux d'avoir eu une gastro entérite la semaine du crash.

- Largo… commença Sullivan. Il est tard, alors nous allons rentrer. Il va de soit que vous rentrez avec nous ! Enfin, à moins que vous n'y voyez une objection…
- Aucune ! Je n'ai qu'une envie : rentrer à New York ! Cela vous étonnera sûrement, mais même les requins du Groupe W m'ont manqué !!
- Oui, il me réveillait en pleine nuit parce qu'il râlait.

Les deux naufragés maintenant sauvés rassemblèrent le peu d'affaires qu'ils avaient, et, aidés par les autres, ils le mirent dans l'hélicoptère, qui décolla quelques minutes plus tard.

- Les retrouvailles entre les deux idiots vont pas être tristes… murmura Simon pour lui-même.

Arrivés à l'hôtel où logeaient les sauveurs des deux naufragés, Sullivan loua deux chambres. Après que tout le petit groupe ait fait la bringue, il convint de garder la surprise à Joy qui, si on l'appelait, risquait de ne pas s'endormir, ou de ne pas les croire et d'avoir mal. Et ça, ils ne le voulaient pas. Alors ils décidèrent de ne rien lui dire avant le lendemain, jour du retour à New York.
Vers 3 heures du matin, toute la petite bande décida d'aller se coucher, même si Simon n'en avait pas très envie, n'en revenant toujours pas que son meilleur ami soit réellement en vie.

Un lit. Un vrai lit, moelleux. Avec des draps. Des draps frais. Et la clim' dans la chambre. Un lit. Largo n'en revenait pas non plus. Même s'il râlait, il commençait quand même à se faire à l'idée de rester sur cette île. Bon, avec Cardignac, c'était pas trop ça, mais il commençait à l'accepter.

Et Joy. Elle était en vie. Il lui manquait, et apparemment, elle n'était pas partie, et elle n'avait pas refait sa vie. Il avait envie d'entendre sa voix. Juste sa voix pour savoir comment elle allait. Pour voir si sa voix était comme dans ses souvenirs. Pour se rassurer. Mais lui ne dirait rien, il l'avait promis à Simon et Kerensky. Ce serait la plus belle surprise de sa vie… Lentement, il décrocha son téléphone, et tapa le numéro de portable de Joy. Curieusement, il ne l'avait pas oublié. Rien. Tout sur elle était intact dans sa mémoire. Après deux sonneries, elle répondit.

- Joy Arden.

Sa voix était toujours aussi douce. Légèrement grave, mais tellement sensuelle. Comme il l'aimait.

- Allô ? Allô ? Il y a quelqu'un ?

Largo fut tenté de répondre, de lui dire qu'il était là, en vie, qu'il l'aimait et qu'il n'attendait que d'être à New York pour la prendre dans ses bras. Mais il avait promis. Alors il ne fit rien, et il la laissa raccrocher. Il la laissa l'abandonner…

Le lendemain, Largo s'était levé aux aurores. Incapable de s'endormir, comme Simon et Kerensky, d'ailleurs. Il avait retourné tout ce qu'il avait appris ces dernières 24 heures. Et finalement, 7 heures avaient sonné. Il s'habilla rapidement, et descendit à la réception. Puis il alla prendre un petit déjeuner. Heureusement pour lui, personne ne le reconnut… Et heureusement que Joy n'était pas là… Qu'est-ce qu'il se serait pris !! Il sourit. En fait, il aimerait bien que Joy lui crie dessus. Juste pour se rappeler comment ça faisait… Quelques heures plus tard, Simon le rejoignit, souriant comme jamais, suivi de près par Kerensky.

- Tu te réveilles à 9h30 toi, maintenant ? se moqua Largo.
- En fait j'ai pas dormi !
- Moi non plus. Trop nerveux, trop excité à l'idée de la revoir…
- Si on lui avait dit que t'étais en vie, elle aurait été dans le même état que toi…
- Et toi Georgi… ? Comment tu vas ?
- Pas dormi non plus. Mais ça va.
- Et Sullivan ? demanda Largo.
- Il a discuté avec Michel toute la nuit.
- A propos du Groupe ?
- Oui.
- Eh ben… Il perd pas de temps, lui au moins…
- Et toi ?
- Quoi ? demanda Largo.
- Tu reprendras le Groupe ?
- Ben… oui.

L'avion avait décollé depuis deux heures. Largo redécouvrait le Jet et Jerry, qui crut être devenu fou lorsqu'il reconnut Largo. Mais au bout de quelques minutes, il se rendit compte qu'il n'était pas fou, et que c'était bien son ancien patron en face de lui. Voler. Ça faisait presque un an qu'il avait disparu. Une année de perdue avec Joy. Ç'aurait pu être pire, d'accord, mais un an, c'était beaucoup. Et il savait que cette fois-ci, il ne la laisserait pas partir, bien que Simon et Kerensky lui avaient certifié qu'il n'avait pas à s'en faire pour ça.

***

Largo réfléchissait. Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir lui dire ? Et comment allait-elle réagir, elle ? Le jeune homme puisait dans son imagination tout ce qu'il pouvait trouver pour séduire Joy. Même s'il savait aussi que ce n'était pas nécessaire. Mais il voulait faire les choses en grand pour celle qu'il aimait.

Une heure avant d'atterrir, John appela Joy, mettant le haut parleur :

- Joy Arden.
- Joy ? Bonjour c'est John, comment allez-vous ?
- Très bien et vous ? Le voyage s'est bien passé ?
- Oui, nous sommes dans l'avion pour le retour. Nous serons là dans une heure. Nous avons d'ailleurs une surprise pour vous.
- Une surprise ? Si c'est une sirène pour Matthew, Simon peut aller se faire…
- Non, c'est pas ça ! la coupa Simon. C'est mieux !
- D'ailleurs en parlant de Matthew, tu peux le confier à Gabriella ? intervint Kerensky. Viens seule à JFK, s'il te plaît…
- Vous savez que vous me faites peur, là ? s'inquiéta Joy.
- Tu nous fais confiance, Joy ? demanda Simon, qui n'avait pas quitté son meilleur ami des yeux depuis le début de l'entretien.
- Ben… Oui. Mais je vous connais vous et vos idées saugrenues…
- Bon… On va te laisser, tu dois être occupée…
- Tu parles ! Y'a rien a faire !!
- Ben alors… Je sais pas moi, regarde… Euh… La télé. Ou va aider Gabriella. Mais nous, on te veux dans une heure à JFK, ok ?
- Ben… Ok…
- Alors à tout à l'heure !

Et il raccrocha.

- Matthew ? demanda Largo, qui n'avait pas bougé jusqu'alors.
- Son chien, mentit Kerensky comme il y arrivait si bien.
- Elle a un chien ?
- On ne te l'avait pas dit ? aida Simon.
- Non.
- Ah. Ben maintenant tu le sais.

Simon se retourna vers Kerensky et répéta, presque imperceptiblement :

- Un chien ? Si Joy le sait, tu es mort mon gars !
- De toutes façons, avec tout ce qu'il bave, ce bébé…
- Ça, faut pas le dire à la mère…
- Heureusement qu'il est beau…

Il lui restait un quart d'heure pour arriver à JFK. Elle prit son fils endormi dans ses bras, le changea, et, après avoir mis quelques affaires dans un sac, alla le confier à Gabriella qui, bien que ce ne fut pas son travail, fut ravie de pouvoir s'occuper du petit. Après un dernier baiser au minipouce, elle partit avec sa voiture en direction de JFK.

***

Qu'est-ce que pouvait bien être cette surprise ? Elle devait vraiment être de taille si Sullivan soutenait Simon et Kerensky.

Sans s'en rendre compte, elle était arrivée à destination en 10 min. Mais le Jet était déjà arrivé. La première personne à descendre fut Sullivan, suivi de près par Kerensky et Simon, qui n'arrivait pas à dissimuler un large sourire. Elle s'avança vers eux en souriant, mais s'arrêta net : Cardignac venait de descendre du Jet. Le sourire de la jeune femme se figea. Elle rêvait ? Non ! C'était bien Michel Cardignac – en beaucoup plus bronzé – qui s'avançait. Mais alors s'il y avait Cardignac, il y avait…

- Largo… murmura-t-elle, le voyant sortir lui aussi.

*

Dieu qu'elle était belle ! Elle n'avait pas changé durant toute cette année. Radieuse était le mot qui la caractérisait. Il avait vu son sourire d'ange à travers le hublot, toujours le même, mais avec plus de mélancolie quand même. Et puis lorsque Michel était sorti, elle s'était arrêtée. Elle n'avait plus bougé. Son sourire s'était éteint. Elle avait compris. Il était temps qu'il sorte. Il était temps qu'il l'affronte. Il était temps de revenir dans sa vie. Il l'avait abandonnée trop longtemps.

" Largo… " Son nom prononcé de cette manière, cette scène, il se les était imaginés des centaines de fois, tout le long de cette année écoulée. Elle, était statufiée. Simon, Kerensky, Sullivan et Cardignac observaient la scène.

Visiblement, elle n'était pas dans la capacité d'esquisser le moindre mouvement. Alors Largo décida de prendre les devants, pour une fois. Il descendit les marches, et s'approcha d'elle tout doucement, pour ne pas la brusquer. Elle ne bougeait pas, se contentant de le fixer, et de se perdre dans ses yeux bleus. Ces yeux qui lui avaient tant manqué. Il était là. En face d'elle. Alors sans comprendre, les larmes coulèrent le long de ses joues.

Il s'approcha encore. Il était juste devant elle. Il remit une mèche derrière son oreille, effaçant ses larmes, et elle ferma les yeux. Ce geste. Lui seul le faisait. Ça recommençait, elle rêvait. Et pourtant… Tout semblait si réel ! Tout semblait si vrai.

- Dis-moi que ce n'est pas un rêve… murmura-t-elle.
- Ce n'est pas un rêve, Joy, dit-il encore plus doucement.
- Alors je vais ouvrir les yeux, et si tu es là, ça voudra dire que c'est vrai.

Largo sourit, alors que Joy s'exécutait. Il était toujours là. Devant elle. En train de lui parler. En train de la poser ses bras autour de ses hanches, alors que elle, elle ne faisait rien. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Mais quoi ? Les larmes ne s'arrêtaient pas.

Sans chercher à comprendre, sous le coup d'une pulsion trop longtemps retenue, elle s'approcha de lui, attrapa sa nuque, et l'embrassa fougueusement, sous les regards attendris et heureux des autres.

***

Elle émergea des couvertures. Elle avait fait un merveilleux rêve. Largo revenait. Il lui disait que ça n'en était pas un, mais ça ne pouvait pas être vrai. Il fallait qu'elle se convainque une bonne fois pour toutes qu'il était mort. Mais son rêve avait l'air si réel ! Cette nuit d'amour qu'ils avaient passé…

Mais où était-elle ? Au Penthouse ? Mais que diable faisait-elle ici ? Et elle se sentait si bien… L'odeur de Largo régnait partout. Et il y avait ce poids sur son ventre. Elle se sentait planer. Bien. Mieux que jamais. Et pourtant, après les rêves qu'elle faisaient fréquemment de Largo, elle ne se sentait pas aussi sereine. Soudain, elle se rendit compte que le poids en question sur son ventre, était un bras. Un bras ? Mais qu'est-ce qu'un bras venait faire sur son ventre ? Elle se retourna, et se trouva en face du sourire angélique de Largo.

- C'est si embêtant que ça ? demanda-t-il.
- En général, on commence par dire bonjour…
- Bonjour…

Il l'embrassa, et continua.

- Qu'est-ce qui te tracassait comme ça ?
- Je pensais avoir rêvé…
- Je t'ai dit hier que ce n'était pas un rêve. Je te quitterai plus.

Joy se rallongea, et se blottit contre son amant.

- T'as intérêt. Parce que cette fois-ci je n'y survivrai pas.
- Je sais. Et après la nuit qu'on vient de passer, je me demande si j'aurais jamais envie de quitter ce lit…

Elle rit. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas ri comme ça. Franchement. Sans mélancolie, sans tristesse, sans vouloir cacher sa peine.

- J'ai eu mal. Très mal.
- Je sais. Georgi et Simon me l'ont dit. Je suis désolé…
- Ce n'est pas ta faute. Ce n'est pas toi qui l'as voulu…
- Evidemment que non !
- Bon. Alors on oublie ça.

Une seconde passa, puis Joy reprit.

- Largo je suis désolée. On aurait dû continuer les recherches, on aurait dû retourner chaque parcelle de ce monde pourri pour te retrouver, on aurait dû…

Mais un baiser de Largo la fit taire.

- Vous avez fait ce que vous avez pu. Vous ne pouviez pas faire plus.
- On avait tous perdu l'espoir que…
- Je sais. Ils m'ont tout raconté.
- Alors tu sais pourquoi je suis restée au Groupe, et pourquoi j'y ai un appartement ?
- Tu as un appartement au Groupe ? Tu y vis ? Non. Je ne le savais pas. Ils ont dû oublier…
- Non. Ils l'ont fait exprès. Ils n'ont pas pu oublier la raison de ma venue ici. C'est d'ailleurs Kerensky qui a insisté pour que je vienne vivre ici.
- Alors pourquoi ?
- Parce que c'est à moi de te l'annoncer…
- Mais m'annoncer quoi ?
- Trente secondes s'il te plaît.

Elle se retourna, et attrapa le téléphone. Elle appuya sur une touche, et attendit.

- Gabriella ? Bonjour, c'est Joy. Très bien et vous ? Dites-moi, où est Matthew ? C'est Simon qui l'a ? Oui. Il pourrait me l'amener au Penthouse ? Ah. Il dort. Eh ben réveillez-le alors ! Oui. Merci. Bonne journée Gabriella.

Elle raccrocha.

- Tu veux me présenter ton chien ? C'est pour ça que tu es venue au Groupe ?
- Mon chien ? demanda Joy, abasourdie. Mais je n'ai pas de chien ! Attends… Qui t'a dit ça ?
- Kerensky.
- Ah… Je comprends… Il va m'entendre celui-là… C'est lui qui se bat contre Sullivan et Simon !
- De quoi tu parles, Joy ?
- Attends.

Elle sortit du lit, revêtit une chemise de Largo, puis se dirigea vers le salon.

- Tu ne bouges pas, lui ordonna-t-elle après un baiser.

Largo, ne protesta pas, mais ne comprenait rien non plus de ce qui se passait. Ce fut seulement lorsque Joy revint quelques minutes plus tard qu'il saisit la situation. Joy tenait un bébé dans ses bras. Bébé qui babillait à tout bout de champs.

- D’où vient ce bébé ? demanda finalement Largo. Puis semblant comprendre : C’est ton bébé ? C’est merveilleux pour toi… Je comprends, tu pensais que j’étais mort… Et tu vis toujours avec le père ?

Joy réfléchit un instant. Comment lui faire comprendre sans trop le brusquer : " Ben en fait, non, c'est ton fils ! Et comme tu n'étais pas là… ". Hum. Non. Pas terrible… Finalement elle inspira profondément, tentant de lui faire comprendre la vérité en douceur… :

- Non jusqu’à présent je ne vivais pas avec le père de Matthew car il n’était pas à New York, mais maintenant qu’il est revenu j’espère que les choses vont changer. Il aura trois mois dans quatre jours. Il est né au bout de huit mois.
- Trois mois ? Huit mois ?

Elle s'assit sur le lit, et laissa son amant calculer. Si le bébé avait trois mois dans 4 jours, ça voulait dire qu'il était né le 12 mars. Si on comptait huit mois de moins… Ça faisait donc… juin dernier. Et il y a un an pile poil…

Largo regarda Joy, béatement. Elle, elle souriait.

- Tu veux dire que… ? commença Largo.
- Ecoute, je ne te demande rien, d'accord, si tu ne veux pas le reconnaître, et que c'est trop soudain, je ne t'en voudrais pas…
- C'est mon fils ? Tu es sûre ?

Joy sourit.

- je n’ai pas une vie aussi dissolue que tu sembles le penser ! Tu es le seul avec qui j'ai… et, pour plus de sûreté, j'ai fait des tests de paternité. Tu es bien le père, Largo. Matthew est ton fils.


*

Le jeune père écarquilla les yeux.

- Je te répète que je ne te demande rien. Matthew est le plus beau cadeau que j'ai jamais reçu, mais je ne veux pas te l’imposer. Je comprendrais que tu t’éloignes, après tout, je ne t'ai pas demandé ton avis…
- Ça ne va pas ? Joy… Je pensais avoir été suffisamment clair : je t'aime, et il est hors de question que je te laisse partir comme les autres fois. Cette fois-ci, je te retiendrai et je ne te lâcherai pas. Quant à Matthew… Wouah ! C'est… C'est… Génial ! Tu n'imagines même pas ce que je peux être heureux ! Il… Il va bien ? Comment s'est passé la grossesse ? Et l'accouchement ? Je peux le prendre ? Il a tout ce qu'il faut ? Des vêtements, des jouets ? Tu es sûre qu'il ne manque de rien ? Oh qu'est-ce qu'il est mignon ! Il a tes cheveux ! Mes yeux, ton nez… Des toutes petites mains ! T'es sûre que c'est mon fils, hein ?

Joy éclata de rire. On aurait dit qu'il voyait un bébé pour la première fois ! Mais elle lui tendit Matthew, qui se réveilla doucement, sans pleurer…

- Tiens.

Le nouveau papa le cala dans ses bras musclés, et admira son fils. Ce qu'il pouvait être beau ! tout le portrait de sa mère. A ce moment-là, il fut plus fier qu'il ne le fut jamais. La femme qu'il aimait près de lui, et son fils. Non, LEUR fils. C'était leur fils, qu'il tenait dans ses bras. Le fruit de leur amour qui avait mis tant de temps à être avoué. Joy avait longtemps pensé que ce bébé était un accident. Mais lorsqu'elle vit son fils dans les bras de son père, elle ne put que se dire que c'était un signe.

Joy lui raconta tout, de sa grossesse à son accouchement mouvementé dans l’ascenseur, en passant par la fièvre acheteuse de Simon, Kerenski et Sullivan, sans oublier leur tendance prodigieusement agaçante à la sur-protection. A la fin de son récit, Largo ne put retenir un :

- Oh… J'aurais plus rien à lui acheter alors… T'es sûre qu'il n'a pas besoin d'un truc spécial ? Même des petits pots, hein !

Joy inspira un bon coup.

- Ton fils n'a besoin que d'une chose…
- Laquelle ?
- Son père. Alors tu vas arrêter de le gâter, parce que sinon il deviendra aussi pourri que tous les membres du Conseil réunis !
- Un père, hein ?

Il l’embrassa tendrement.

- Je crois pouvoir lui donner ça.


Largo s’averra, malgré ses promesses, un véritable papa gâteau. Le petit Matthew, loin de sembler s’en plaindre, accumulait papou sur papou. Le « revenant » insista même pour que Joy lui apprenne à changer une couche, ce qu’elle fit en riant. Il raconta à son fils des histoires diverses, que la jeune mère écoutait elle aussi, émue de l’amour qu’elles laissaient transparaître. Elle vivait un rêve éveillé. Jamais elle n’avait été si heureuse, et Simon, Kerensky et Sullivan le voyaient bien. C'est aussi pour cela qu'ils étaient heureux du retour de Largo. Mais Cardignac revenu rendait certaines choses plus difficiles. En effet, il ne désirait qu'une chose : reprendre le travail au Groupe W… Personne n'avait encore remarqué le retour de Largo Winch. il restait au Penthouse, ou s'arrangeait pour sortir quand personne n'était là. Ce qui était très difficile. Et les rares personnes qui étaient au courant s'arrangeaient pour démentir cette vérité lorsqu'une personne venait à reconnaître le milliardaire.

Le couple accumula aussi les promenades. Largo pouvait sortir sans crainte d’être reconnu, ayant été déclaré comme mort. Et pourtant, il n’y avait pas plus vivant que lui. Parfois, bien sûr, quelques personnes le regardaient fixement, se demandant où ils avaient bien pu voir sa tête, mais bien vite, sous les regards noirs de la jeune maman, ils détournaient le regard.

Mais après un mois, il fallut revenir sur terre, à leur plus grand regret. Il avait été bon de vivre ainsi dans l'anonymat et de profiter de sa petite famille, mais s'il le faisait encore longtemps, on finirait par découvrir leur secret et la réaction du public, encouragée par une presse internationale mécontente de n'avoir pas été mise au courant plus tôt, serait explosive. C'est donc en soupirant profondément que Largo accepta d'organiser une conférence de presse.

Les préparatifs durèrent plus d'une semaine. Il fallait lancer des invitations, s'assurer de la présence en grand nombre des médias, de la sécurité des lieux (que Joy présida), ainsi que de l'écriture du discours que prononcerait Largo devant la foule rassemblée.

Lorsque arriva le grand jour, Joy dut longuement calmer son amant. En effet, celui-ci avait quelques craintes qui, heureusement, s'avérèrent toutes infondées.

Quand il monta sur l'estrade, un long silence s'installa. Puis, des murmures parcoururent l'assemblée.

- Et dire que je croyais que vous ne me reconnaîtriez pas, blagua-t-il pour se détendre un peu.

Des petits rires se firent entendre, mais la plupart des occupants de la salle était encore trop stupéfaits. Rassemblant tout son courage, le jeune homme commença par relater l'accident, puis son long séjour sur une petite île déserte du Pacifique et enfin, son miraculeux sauvetage alors qu'il se croyait perdu. Tous étaient suspendus à ses lèvres. Il invita ensuite Cardignac à monter le rejoindre, le présenta, puis déclara qu'il reprenait les rêne du Groupe W à partir d'aujourd'hui.

Les questions, comme il s'y était attendu, fusèrent de partout. Il répondit de bon gré à quelques unes d'entre-elles, mais au bout d'une quinzaine de minutes, il partit, laissant derrière lui son public bruyant et toujours aussi surpris.

2 semaines plus tard.

Après avoir assisté à un long et très ennuyeux Conseil d'administration, Largo monta directement au Penthouse et se laissa choir sur un divan. Joy vint le rejoindre, portant Matthew dans ses bras. Il entoura les épaules de la jeune femme d'un bras alors que son autre main caressait tendrement la joue du bébé qui, il l'aurait juré, souriait tout en émettant d'agréables gazouillements.

- Alors ? demanda-t-elle.
- Ça ne m'a pas manqué, avoua-t-il en riant. Mais je n'ai pas le choix, alors je fais avec.

Elle le regarda tendrement.

- Je suis tellement heureuse que tu sois revenu…

Il se pencha vers elle et l'embrassa amoureusement.

- Moi aussi, mon amour.

Il l'embrassa encore une fois puis se décala un peu.

- Tu sais, fit-il, il paraît qu'on veut faire un film sur notre histoire, à Michel et à moi.
- Ah bon.
- Oui, et si tout fonctionne bien, ils comptent en faire une série télé. Surprenant, non ?
- Et comment ! Je vois ça d'ici, ça va faire fureur, rigola-t-elle. Et comment nommerait-il cela ?
- Largo Winch.
- Pas très imaginatifs, ces producteurs, remarqua-t-elle.
- Je trouve aussi.
- Tu compte accepter ? s'enquit-elle.
- Je ne sais pas, peut-être. Ça pourrait être marrant. Il y a juste un petit problème, ajouta-t-il, soudain sérieux.
- Lequel ? s'inquiéta-t-elle.

Il sourit pour la rassurer.

- Comme dans tout bon film, il faut qu'il y ait une Happy end.
- Et alors ?
- Et bien, presque tout est parfait.
- Presque ?
- Oui, nous avons un fils, et nous nous aimons, mais…
- Mais… ? répéta-t-elle encore une fois, commençant à s'inquiéter.
- Il manque le mariage. S'il n'y a pas de mariage, ce n'est pas une vraie Happy end.

Elle comprit.

- Tu es sérieux ?
- Je crois que je ne l'ai jamais été autant, fit-il en sortant de la poche de son veston un petit écrin de velours gris.

Il l'ouvrit, lui dévoilant la bague qu'elle contenait.

- Largo ! s'écria-t-elle, émerveillée. Tu es fou, elle est splendide !
- Ça veut dire oui ?
- Bien sûr, idiot.

Il sourit de nouveau. Ils échangèrent un long baiser passionné puis se séparèrent lorsque Matthew commença à s'agiter.

- Jaloux, va !



FIN
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