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### Soeurs de sang - Chapitre 1 à 3 ###
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scilia
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Messages: 11

MessagePosté le: 18 Juin 2003 11:04 am    Sujet du message: Soeurs de sang - Chapitre 1 à 3 Répondre en citant

Hello,

Voici l'une des mes fics les plus longues et les plus tristes que je n'ai jamais écrite. Le sujet est un peu "dur" alors je vous suggère une petite boite de kleenex car je ne les fourni pas encore icon_wink.gif

Scilia
*************************************************************

Sœurs de sang



Disclaimer : Les personnages de Largo Winch ne m’appartiennent pas et c’est bien dommage ! Les seuls qui sont à moi, sont ceux qui forment la famille que j’ai créé dans mes fics Sasha et Paolo, donc Sasha, Georgi junior, Anna pour la famille Kerensky, Paolo et Cathy pour la famille Winch.

Auteur : [email protected]

Archives : www.bricbrac.fr.st

Résumé : Alors que la vie passe tranquillement au groupe W, un accident bouscule la vie de Kerensky et Sasha les plaçant dans une situation difficile.

Note de l’auteur : Tout a commencé à cause de Kerensky dans « Compte à rebours » (il faut bien un coupable lol). Je vous fais un petit résumé : Simon doit recevoir au plus vite un rein et les donneurs étant rares, notre Russe propose de passer par le marché noir. Simon refuse mais l’idée que Kerensky avait accès à ce genre de milieux m’a interpellé et voilà ce que cela donné. J’ai gardé le principe des familles Kerensky et Winch, instauré dans mes précédentes fics Sasha et Paolo. L’action de celle-ci se passe 5 ans plus tard. Autant vous prévenir, mon côté « auteuse sadique » a fait surface dans cette histoire alors sortez les kleenex ! J’ai trois personnes à remercier : Sophie, qui est d’une aide inestimable par ses remarques avisées et ses conseils « techniques ». PetitAnge, qui prend le temps de jouer les bêtas (encore merci pour la jolie palme icon_wink.gif) et ma fidèle Raf, que je n’ai pas fini de faire râler et qui décoince souvent les nœuds que font les personnages. Merci à toutes les trois de votre soutien, cette histoire vous est dédiée !

***



— Je t’interdis de faire cela, Georgi !
— Ça va lui sauver la vie, Sasha ! Tu as l’air d’oublier qu’elle est gravement malade. Sans ce traitement expérimental, elle serait beaucoup plus affaiblie mais cela n’empêche pas que si l’on ne trouve pas un donneur rapidement, notre fille va mourir !
— Je le sais très bien mais c’est illégal et je refuse qu’Anna…

La jeune femme sentit sa volonté plier mais elle se reprit et défia son mari du regard. Georgi junior entendait la dispute de ses parents de sa chambre. Il s’en voulait terriblement, se sentait responsable de ce qui était arrivé à sa sœur. L’incident s’était produit à la sortie de la fête foraine. Kerensky et Sasha avaient autorisé leur fils - qui venait d’avoir 18 ans - à accompagner Anna (qui en avait 5) à la fête, eux-mêmes étant coincés par des obligations professionnelles. Georgi avait veillé sur sa sœur avec attention. Contrairement à beaucoup de garçons de son âge, il adorait sa petite sœur et ne manquait jamais de lui faire plaisir, jouer avec elle, lui raconter des histoires, … L’adolescent avait vu la voiture approcher, il avait cru à un couple qui venait s’amuser même si son intuition lui avait soufflé qu’il y avait quelque chose de louche dans leur comportement. Il avait reconduit Anna à leur voiture et allait monter quand il avait entendu les détonations. Deux, deux balles qui avaient perforé le foie de sa sœur sans qu’il ne puisse rien faire.

— Tu es consciente qu’elle risque de mourir ?
— Je le sais, murmura Sasha tristement.
— Laisse-moi faire ce qu’il faut pour sauver notre fille, je n’ai quelques coups de fil à pass…
— Non, pas comme cela ! Comment peux-tu même suggérer cette…
— Parce que c’est ma fille et que je refuse de la laisser mourir, de rester sans rien faire alors qu’il y a une solution !
— La seule solution possible, c’est la liste de donneurs d’organes ! Rétorqua Sasha en haussant la voix.
— Tu sais combien de personnes attendent une greffe ?
— Oui, Georgi, je le sais mais je sais aussi que je ne pourrais plus jamais voir notre enfant de la même façon si tu lui offres un foie acheté au marché noir pour la sauver. Je sais ce que tu ressens, rajouta Sasha en prenant son visage entre ses mains.

Elle plongea son regard émeraude dans les yeux bleus de son mari et y lut tout le dégoût qu’il avait de lui-même, étant certain que les tireurs ne visaient que lui à travers sa fille.

— Ne fais pas cela, je t’en prie même si…

Kerensky se dégagea brusquement et sortit sans un mot de leur appartement. Sasha regarda la porte se refermer et éclata en sanglots.

— Maman ?
— Je… oui, fit Sasha en reprenant contenance.
— Elle va…mourir ?
— Non, non mon chéri, ta sœur ne va pas mourir, répondit-elle en le serrant contre elle, on va trouver une solution.
— Mais si…
— Georgi, écoute-moi, Anna va s’en sortir.

Son fils baissa les yeux quand il rencontra son regard et Sasha comprit immédiatement ce qu’il pensait.

— Ce n’est pas ta faute.
— Elle était avec moi et je n’ai pas su la protéger !
— Ils auraient pu attendre que nous soyons avec elle, ils auraient pu tirer sur toi, sur moi ou sur ton père, sans que personne ne puisse rien y faire.
— Elle était avec moi, maman. J’étais responsable d’elle et… Anna est à l’hôpital, allongée sur ce lit, et je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que j’aurais pu faire pour…
— Rien et tu le sais très bien.

Georgi se mura dans le silence et profita un moment de la paix relative qu’il ressentait en étant dans les bras de sa mère. Il soupira et repensa à toutes les années où il en avait été séparé, Sasha travaillant pour Nikolaï Valensky. (nda : cf. la fic Sasha). Ils n’avaient pas oublié le passé même si les retrouvailles avec son père, et l’arrivée d’Anna dans la famille, l’avaient plus ou moins effacé.

— Je vais retourner à l’hôpital, dit Sasha en posant un baiser dans les cheveux de son fils.
— Tu devrais te reposer un peu, maman. Cela fait deux jours et tu n’as quasiment pas dormi, reprocha Georgi à sa mère.

Sasha eut un petit sourire avant de soupirer. Le garçon comprit que rien ne la ferait changer d’avis. Il lui déposa un baiser sur la joue et la regarda emprunter le même chemin que son père quelques minutes plus tôt.

***


— Sasha…

La jeune femme se retourna et vit Largo sortir du penthouse. Le milliardaire vint à sa rencontre et la serra dans ses bras. Elle se retint de se laisser aller, ce n’était pas l’endroit ni le moment pour craquer. Des employés virevoltaient autour d’eux et Sasha savait qu’ils ne perdaient rien de leurs faits et gestes. Elle s’arracha aux bras de Largo avant de grimper dans l’ascenseur avec lui.

— Tu devrais éviter ce genre de manifestation dans les couloirs.
— Sasha, je suis marié, père de deux enfants, et je me fiche des rumeurs qui peuvent découler d’une simple marque d’amitié.

La Russe soupira, les années n’avaient pas changé le milliardaire, les aventures dangereuses en moins. Bien que certaines fois, le besoin d’adrénaline se faisait ressentir et Sasha voyait alors Joy, non pas trembler de peur pour son mari, mais inquiète de ses dernières frasques. Elle n’était plus officiellement sa garde du corps mais les vieilles habitudes ayant la vie dure, elle ne pouvait s’empêcher de surprotéger sa famille.

— Tu as vu Georgi ? Demanda Sasha doucement.
— Je le croyais avec toi, s’étonna Largo.
— Je peux te poser une question ?
— Bien sûr !
— Si… si Joy, Paolo ou Cathy étaient dans la même situation qu’Anna et que l’on te proposait un organe au marché noir, est-ce que…
— J’accepterais ? Vous vous êtes disputés, c’est cela, fit Largo comprenant les mots cachés sous la question.

Sasha acquiesça de la tête, avouant par la même occasion qu’elle ignorait où se trouvait son époux.

— Je ne sais pas… Quand Simon a été blessé et a eu besoin d’un rein, Kerensky s’était déjà proposé de contacter quelques personnes.
— Ne me dis pas que…
— Non, Simon a refusé. Il ne voulait pas avoir la priorité par apport à des gens qui n’avaient pas les moyens de… tu connais Simon, il ne veut pas le montrer mais il a un cœur d’or.
— Il a changé depuis qu’il fréquente Christelle.
— Exact. Je ne sais pas ce qu’elle lui a fait mais je crois que c’est la plus longue relation qu’il ait jamais eue avec une femme.
— Georgi voudrait…
— Il se sent impuissant Sasha, sa fille est entre la vie et la mort et il veut tout faire pour la sauver.
— Je comprends ! Tu ne crois pas que c’est ce que je souhaite aussi ? Fit la jeune femme la voix vibrante d’émotions.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur le hall empêchant Largo de répondre. Sasha descendit sans se retourner, elle passa devant les vigiles qui lui souhaitèrent une bonne journée sans même les remarquer. Largo appuya sur le bouton menant au sous-sol, espérant trouver Kerensky dans son refuge.

***


Joy soupira en buvant sa troisième tasse de café de la matinée. Paolo (8 ans) était à l’école, Cathy (4 ans) à la crèche où la jeune femme se forçait à la mettre quelques matinées par mois. Elle avait beaucoup de mal à se détacher de sa fille, plus que de Paolo, sans réellement savoir pourquoi bien qu’elle les aimait sans compter. Largo de son côté était plus proche de son fils, participant à ses jeux. L’ancienne garde du corps caressa les contours de la maquette de bateau qu’ils étaient en train de construire, Paolo voulait qu’ils participent à la course annuelle de Central Park. Ses pensées dérivèrent immanquablement vers Anna. Si un donneur ne se présentait pas rapidement… Joy repoussa cette pensée au loin mais elle savait qu’il y avait plus de receveurs que de donneurs, encore plus lorsqu’il s’agissait d’enfants. Elle ne put s’empêcher de transposer le problème de la petite à ses enfants. Que ferait-elle si un jour… L’argent n’achetait pas tout, elle en était consciente, et la vie d’un enfant était ce qu’il y avait de plus précieux au monde. Il y avait forcément une solution, il fallait simplement trouver laquelle, tenta-t-elle de se convaincre. Elle regarda sa montre, il lui restait deux heures avant de récupérer Cathy à la crèche. Assez de temps pour contacter quelques personnes liées à son passé et faire quelques recherches. Anna était un peu sa fille et Joy refusait de la laisser mourir.

***


— Simon ?
— Je suis là, répondit-il de la terrasse de son appartement.

Christelle approcha, le drap noué autour de son corps parfait. Elle vit son compagnon assis sur une chaise longue, le regard dans le vide.

— Hey…
— Excuse-moi, fit Simon en détournant la tête.

La jeune femme vit qu’il avait pleuré et s’en étonna. Elle ne le connaissait que depuis quelques semaines mais ne l’avait encore jamais vu dans un tel état. Elle s’assit devant lui et posa la main sur sa joue.

— Simon, murmura-t-elle doucement.
— J’suis désolé, fit-il en reniflant.
— Tu n’as pas à l’être. Dis-moi ce qui ne va pas.

Le Suisse releva la tête et regarda sa compagne. Ses yeux noirs le dévisageaient avec inquiétude, ses cheveux longs, noirs et bouclés, étaient emmêlés mais lui donnaient un air de petite fille perdue, accentué par les mètres de tissu du drap qui l’entourait. Elle semblait minuscule et pourtant Simon la voyait presque comme sa bouée de sauvetage. Il était réputé pour ses conquêtes mais depuis qu’il l’avait rencontrée son comportement était devenu quasiment exemplaire. Fini les fêtes tous les soirs, les journées de boulot qui ne commençaient pas avant midi,…

— C’est la petite Anna. Elle va mourir et… j’ai vécu ça y’a quelques temps, j’avais besoin d’un rein et c’est ma sœur, Vanessa, qui m’a sauvé la vie mais là… C’est une gamine de 5 ans, comment est-ce qu’une gamine innocente peut mourir comme ça !
— Elle n’est pas encore condamnée.
— Chris, tu sais combien il y a de donneur pour les enfants ? C’est encore pire que pour les adultes !
— Je le sais, je te rappelle que je suis interne !
— Je voulais pas…
— Je sais. Je sais aussi qu’il est terrible de dépendre d’une liste d’attente mais il n’y a rien d’autre, pas d’autre choix, même si j’en suis désolée.

Simon la prit dans ses bras sachant qu’elle avait raison mais l’Intel Unit formait une famille à l’origine de 4 personnes qui s’était agrandie avec l’arrivée de 4 enfants. Simon les considérait un peu comme les siens et n’aurait jamais permis que quiconque leur fasse du mal. Personne n’avait encore retrouvé les coupables et Simon se jura de les faire payer. Il quitta Chris et descendit au bunker.

***


La chambre d’enfant était décorée dans des tons pastel, une ribambelle de nounours offert par ses parents, ses oncles et tantes, traînaient ça et là. Anna ouvrit les yeux doucement et sourit en voyant sa peluche préférée près d’elle.

— Lapinou, dit-elle très sérieuse à sa peluche, je sais que tu as peur mais papa et maman ont dit que tout irait bien.

Le lapin bleu resta silencieux, regardant l’enfant de ses petites billes noires, son sourire éternellement figé sembla la rassurer. Anna le serra fort contre elle avant de se rendre compte qu’elle n’était pas seule dans la chambre. Son cœur fit un bond dans sa poitrine en reconnaissant son père assis sur une chaise.

— Papa !

Kerensky sortit de ses sombres pensées pour sourire à sa fille. Il se leva et lui déposa un baiser sur le front.

— Ça va, mon ange ?
— Je suis pas un ange, rétorqua la petite fille avec malice.
— Oh pardon… ma petite libellule bleue, se reprit Georgi en faisant référence au livre préféré de Anna.
— Maman est là ?
— Elle va venir un peu plus tard, elle devait faire des courses avec ton frère.
— Ah d’accord, alors on est juste toi et moi ?
— Oui.
— Papa… je veux pas que tu sois triste.
— Je ne suis pas triste, tenta Kerensky.
— Si et maman et Georgi aussi. Je sais que les gens sont tristes quand quelqu’un est à l’hôpital mais faut pas. Le docteur me donne des médicaments pour pas avoir mal et elle a dit que je pourrai aller à la maison bientôt.

Le Russe s’étonna de la lucidité de sa fille concernant l’état d’esprit de sa famille. Le docteur Gabrielle Matthews et eux avaient décidé de ne pas révéler la gravité de la situation à Anna. La petite fille savait simplement qu’elle était à l’hôpital à cause de son « bobo au ventre » et qu’il fallait un peu de temps pour qu’elle soit soignée. Le personnel de l’hôpital était aux petits soins pour la petite qui avait réussi à conquérir le cœur de tout le monde par sa franchise.

— Dis papa, tu joues avec moi ?
— Bien sûr, ma chérie.

***


Joy entra dans le bunker et fut surprise d’y trouver son mari qu’elle croyait en rendez-vous chez Sullivan.

— Que fais-tu là ?
— A vrai dire, je ne le sais pas vraiment. Je croyais trouver quelque chose mais… On ne peut pas la laisser mourir quand même ! S’exclama-t-il en tapant sur le bureau.
— Je sais que c’est cruel mais… quelque fois il n’y a rien à faire.
— Joy, comment peux-tu…
— Je l’aime autant que toi Largo et je souffre pour Sasha et Georgi mais il faut aussi voir la réalité en face, elle a très peu de chance de s’en sortir.
— Ce n’est pas une raison pour ne pas chercher, fit une voix derrière eux.

Joy se retourna et vit Simon dans l’encadrement de la porte. Il approcha et s’assit à sa place, dévisageant Joy, non pas avec colère, mais avec tendresse car il savait que quelque part elle avait raison, même s’ils leur en coûtaient à tous de l’admettre.

— J’ai contacté quelques anciennes connaissances de la CIA, commença Joy.
— Qu’est-ce que la CIA vient faire là-dedans ? Demanda Simon étonné.
— Il y a une liste parallèle pour les donneurs d’organes.
— Qu’est-ce que tu racontes ? S’enquit Largo croyant qu’elle faisait référence au marché noir.
— Ce n’est pas ce que tu penses. Il s’agit d’une liste d’attente pour les personnalités, les membres de la CIA, du FBI, etc. et j’ai…
— Attends, tu veux dire que les gens qui ont du fric ou qui travaillent pour le gouvernement sont sur une liste différente des autres ? C’est… c’est dégueulasse !
— Simon, je ne dis pas que c’est bien, je dis simplement que j’ai fait passer le mot et que Anna y figure aussi. Et la plupart des gens qui sont sur cette liste sont des agents blessés en mission !
— Ce n’est pas uniquement pour les adultes ? L’interrogea Largo coupant court à la dispute qu’il sentait sur le point d’éclater.
— Pas forcément. J’aurais peut-être dû vous en parler avant mais je ne pouvais pas rester sans rien faire.

Largo se leva et enlaça sa femme. Ils avaient tous les trois la même idée, sauver la petite fille, et la démarche de Joy n’était pas plus mauvaise qu’une autre.

— Où sont Kerensky et Sasha ?
— Elle est retournée à l’hôpital. Je crois qu’ils se sont disputés sur la possibilité de sauver Anna en passant par le marché noir et il a disparu.
— Y manquait plus que ça, commenta Simon. Et Georgi ?
— Sans doute à l’appartement, répondit Largo.
— Je vais aller le voir. Il doit se sentir un peu délaissé depuis deux jours, fit Simon en se levant.
— Et moi, je vais chercher Cathy, annonça Joy en l’imitant.

***


— Maman !

Une petite fille s’échappa de la surveillance de Mary, la puéricultrice de la crèche, pour se précipiter dans les bras de Joy. La jeune femme constata que les cheveux blonds de Cathy s’échappaient une fois de plus de ses tresses, ses yeux noisette dévisageaient sa mère avec sérieux.

— Bonjour, ma puce. Qu’est-ce que tu as fais de beau ?
— Un dessin pour Anna, on peut lui emmener dis ?
— Bien sûr, répondit Joy en fermant le manteau de sa fille.
— Mme Winch, je peux vous parler un instant, demanda Mary.
— Oui, répondit la jeune femme légèrement inquiète. Cathy, tu veux bien regarder un livre en attendant maman ?

La petite fille hocha la tête et laissa les deux femmes discuter. Joy ne fut pas surprise par ce que lui apprit la jeune fille. Cathy parlait beaucoup d’Anna, recréait les situations qu’elle avait vu se dérouler devant elle à l’hôpital avec ses poupées. La petite fille s’inquiétait pour son amie et le traduisait de cette manière ce qui était une bonne chose mais Mary lui conseilla néanmoins de limiter les visites à l’hôpital, craignant de perturber l’équilibre de Cathy. Joy remercia la jeune femme de son conseil mais trouvait cruel de séparer les deux enfants qui avaient été élevées ensembles. Elle se promit néanmoins d’en parler à Largo à son retour. Main dans la main, mère et fille sortirent et grimpèrent dans leur voiture pour rentrer au groupe W.

***


Simon était assis sur le lit de Georgi, l’adolescent était près de lui, tête baissée.

— Je te jure que t’aurais rien pu faire, on est allé voir avec Joy. Tu n’avais aucune chance de les empêcher de…
— Pourquoi ils ont tiré sur elle et pas sur moi ?
— Je sais pas. Sincèrement, je sais pas mais on va bien trouver un moyen de…
— Pas toi Simon, supplia presque Georgi. Tu m’as toujours dit la vérité, tu m’as toujours aidé mais si tu me mens, je crois que je…
— Je ne te mens pas. Je sais qu’il y a peu de chance mais il faut y croire ! Ecoute, reprit Simon, tu peux peut-être l’aider d’une autre manière.
— Comment ?
— En retrouvant les salopards qui ont fait ça. Tu es presque aussi doué que ton père, tu as vu la tête de ceux qui ont tiré et…
— Qu’est-ce qu’on fait encore là ? Répondit Georgi d’un ton déterminé.

***


— Largo Winch.
— Coucou papa ! Fit Cathy en riant.
— Hey, ma puce ! Tu es avec maman ?
— Oui, reprit Joy, on est coincé dans les embouteillages. Je voulais juste te prévenir qu’on serait en retard pour le déjeuner.
— J’ai fait un dessin pour Anna, annonça Cathy à son père.
— C’est bien ma chérie, on le lui amènera tout à l’heure.
— D’accord… oh maman dit de raccrocher, y’a la police !

***


Sasha était sur le seuil de la porte depuis quelques minutes, contemplant son mari et sa fille en train de jouer aux cartes. Elle comprenait l’envie de Georgi de sauver leur fille même si elle ne pouvait se résoudre à accepter un foie obtenu au marché noir.

— T’as triché papa ! S’exclama Anna en riant.
— Non, je n’ai personne de la famille « La belle et la bête », je t’assure.
— Ah bon, et ça c’est quoi, fit la gamine en tirant une carte du jeu de son père.
— Madame Samovar, déchiffra Kerensky sur la carte en regardant le dessin d’une théière lui souriant.
— Oui, c’est la maman de Zip la petite tasse.
— Ah… j’avais oublié, avoua-t-il en regardant sa fille avec tendresse, mais dis-moi, comment savais-tu que je l’avais ?
— Euh… j’ai peut-être regardé tes cartes ? Fit Anna en haussant les épaules.
— Tu as triché !
— Mais non !
— Oh que si ! Fit Georgi en la menaçant de la chatouiller.
— Maman !

Kerensky recouvra son sérieux immédiatement et se tourna vers sa femme. Il constata qu’elle avait les traits tirés, son visage était pâle et elle semblait attendre un signe de sa part pour entrer dans la pièce.

— Je reviens, annonça-t-il à Anna en se levant. Je vais prendre un café, rajouta-t-il froidement en passant devant Sasha.
— Georgi…

Le Russe ne se retourna pas et Sasha le regarda, le cœur serré, disparaître dans le couloir. Elle inspira profondément avant de se tourner vers sa fille et de lui offrir un magnifique sourire.

***


Simon était devant un ordinateur et comparait le portrait-robot que Georgi avait fait pour la police, avec divers fichiers regroupant les criminels recherchés par Big Brother comme l’appelait Kerensky.

— Je crois que j’ai quelque chose, annonça l’adolescent en regardant Simon vautré sur la table.
— Un des types ?
— Non, la voiture. J’avais la moitié de la plaque, je viens de le reconstituer. C’est une voiture de location.
— Quel tueur serait assez stupide pour passer par une agence de location ?
— Aucune idée, l’agence n’est pas très loin. On devrait y faire un tour.
— Tu peux pas pirater leurs fichiers ? S’enquit Simon.
— Tu sais très bien que mon père m’a interdit de faire ça depuis…
— Ouais je sais, faut dire que pirater la NASA c’était pas très malin de ta part, surtout pour épater une fille, mais je crois sincèrement que c’est un cas spécial.

Georgi réfléchit un moment avant de hocher la tête et de taper sur son clavier. Il donna un nom à Simon. Ce dernier trouva l’adresse de la personne qui avait loué la voiture et tous deux s’apprêtaient à lui rendre visite quand Largo arriva dans le bunker.

— Je te croyais avec Joy, fit le Suisse pour accueillir son ami.
— Elle était coincée dans les embouteillages il y a une vingtaine minutes. Son retard m’inquiète un peu mais je n’arrive pas à la joindre sur son portable.
— Tu sais bien que la circulation est impossible le midi, tenta de la rassurer Simon.
— J’ai un mauvais pressentiment. Vous avez trouvé quelque chose ?
— Oui on allait aller voir un certain John Collins, il a loué la voiture qui…

La sonnerie du portable de Largo se fit entendre, ce dernier décrocha et écouta son interlocuteur. Georgi et Simon purent voir son visage pâlir au fur et à mesure qu’il écoutait. Il murmura d’une voix blanche qu’il arrivait et se tourna vers son meilleur ami les larmes aux yeux.

— Joy… Cathy… elles ont eu un accident.
— Est-ce que…

Largo secoua la tête et sortit du bunker suivi par Simon et Georgi. Les trois hommes se dirigèrent vers les urgences du St Andrew Hospital, celui où Anna était hospitalisée.

***


Kerensky retournait vers la chambre de sa fille quand il aperçut son fils sortir de l’ascenseur, la mine défaite.

— Georgi, qu’est-ce que tu fais là ?
— Tante Joy et Cathy… elles sont aux urgences. Elles ont eu un accident de voiture.
— Elles sont dans un état grave ? Tu sais ce qu’il s’est passé ?
— Joy n’a rien de sérieux et pour Cathy, ils ne savent pas encore. Apparemment un camion s’est renversé sur la voiture.
— Je descends aux urgences.

Le garçon vit son père disparaître dans l’ascenseur et se dirigea d’un pas lourd vers la chambre de sa sœur. Il se demanda si les catastrophes arrivaient toujours par série et surtout, si Cathy allait s’en tirer sans dommage.

***


— Je ne sais pas ce qui s’est passé ! On roulait… le camion… Cathy ! Largo… il faut qu’elle s’en sorte !
— Joy… Joy, calme-toi et laisse-les s’occuper de toi ! Tenta Largo doucement.
— Non ! Elle a besoin de moi ! Cria la jeune femme.
— Joy, tu ne l’aideras pas si tu es blessée ! Elle a besoin de toi mais pas dans cet état. Je vais aller voir où ils en sont mais avant je veux que tu me promettes de te laisser soigner.
— Je… je suis sa mère et…

Joy éclata en sanglots, vaincue par le choc de l’accident et l’état aggravé de sa fille. Largo la serra contre lui un moment avant de faire signe à l’infirmière qui attendait près d’eux. La jeune femme fut très douce avec Joy et réussit à lui faire ôter son chemisier afin de lui poser des points de suture à l’épaule et soigner ses autres blessures.

***


— Il y a du nouveau ? Demanda Kerensky en voyant le Suisse faire les cent pas dans le couloir.
— Hein ? Non, la petite est toujours dans la salle de soin.
— Que s’est-il passé ?
— D’après la police, un camion a dérapé à un croisement et s’est effondré sur la voiture du côté passager.

Un silence tendu prit place tandis qu’ils attendaient des nouvelles de Cathy. Largo vint les rejoindre quelques minutes plus tard.

— Joy ?
— Elle va bien enfin… une blessure à l’épaule et quelques contusions. Cathy… elle était inconsciente quand elles sont arrivées, déglutit difficilement Largo.
— Je suis désolée, si je peux faire quoique…
— Je sais Georgi mais…

La vue du brancard sortant de la salle de soin pour entrer dans l’ascenseur ainsi que l’arrivée d’un médecin mit fin à leur conversation. Largo se précipita vers lui et le harcela presque de questions auxquelles il répondit à peine. Simon discutait à voix basse avec Christelle, interne aux urgences de St Andrew, qui faisait partie de l’équipe qui avait pris en charge l’enfant. Largo la prit par le bras pour obtenir son attention.

— Chris, dis-moi qu’elle va s’en sortir, supplia presque le milliardaire.
— On vient de la monter en salle d’opération. Le docteur Thomson est le meilleur chirurgien de l’hôpital, il va l’opérer et…
— Dis-moi ce qu’elle a, combien de chance de s’en sortir, dis-moi quelque chose !
— Largo, ce n’est pas à moi de… sa rate et son intestin sont endommagés, elle a fait une hémorragie importante que l’on a réussi à stopper. Quant à ses chances… sincèrement Largo, je ne sais pas.

Le milliardaire relâcha vivement la jeune femme avant de se diriger vers la salle de soin où se trouvait Joy.

***


Georgi junior fit demi-tour, il ne se sentait pas le courage d’affronter sa mère et sa sœur. Il s’en était aperçu en les voyants du seuil de la chambre. Sasha brossait les longs cheveux roux de sa fille en lui racontant une histoire d’une voix douce. Il n’avait pas voulu troubler ce moment en annonçant l’accident de Cathy et Joy. Simon avait raison, il pouvait aider sa sœur en retrouvant les ordures qui lui avaient tiré dessus. Georgi parcourut rapidement les quelques blocs qui le séparaient du groupe W et retourna au bunker. Il récupéra le Beretta de son père et l’adresse de ce fameux John Collins.

***


Cela faisait deux heures que Simon, Kerensky, Largo et Joy attendaient des nouvelles de Cathy. Personne, à l’exception de Christelle, n’avait rajouté un mot sur son état de santé. La jeune femme était passée les voir une heure plus tôt, leur disant que l’opération était en cours sans toutefois leur en dire plus. Simon l’avait remerciée d’un maigre sourire avant qu’elle ne retourne à son travail.

— M. et Mme Winch, je suis l’inspecteur James Ellison et voici mon équipier Blair Sandburg (nda : oui, je sais, ils n’ont rien à faire là étant donné que Cascade se trouve à l’autre bout du pays mais c’est aussi un privilège de l’auteur de « mélayé » un peu tout et ils me manquaient, na !)
— Inspecteur, je ne crois pas que cela soit le moment pour…
— Laisse, Georgi, répondit Joy d’une voix froide. Que voulez-vous savoir ?
— Les circonstances de l’accident, madame Winch, répondit Jim sur le même ton.
— Le chauffeur s’est rendu, expliqua Blair avec un peu plus de tact, et nous aimerions avoir votre version des faits.
— Messieurs, je conçois que vous deviez faire votre travail mais notre fille est en salle d’opération et ma femme ne…
— Je vais bien, Largo. Je sortais enfin des embouteillages et allais m’engager dans la 8e avenue quand le camion qui était sur la file à droite de la nôtre à accélérer pour avoir le feu vert. Il tournait à gauche comme notre voiture et a dû prendre son virage trop vite. J’ai vu l’accident quelques secondes avant qu’il n’arrive… j’ai détaché Cathy pour essayer de sortir et… je ne sais pas… tout est confus. Je me rappelle les sauveteurs, l’ambulance, Cathy qui ne se réveillait pas, …
— Ça suffit Joy, fit Largo qui avait les larmes aux yeux.
— Nous repasserons un peu plus tard, annonça Sandburg en lançant un regard noir à son équipier qui allait poser une autre question.

Simon hocha la tête avec reconnaissance tandis que Joy enlaçait son mari en lui chuchotant quelques mots. Ellison suivit à regret Blair, il aurait voulu en savoir plus sur les conditions de l’accident et ne se priva pas de le lui faire remarquer.

— Tu peux me dire à quoi tu joues ?
— Quoi ? Tu voulais les circonstances de l’accident, tu les as !
— Tu sais très bien que cela n’est pas suffisant, elle doit faire une déposition et…
— Jim, leur fille est en train de se faire opérer ! S’écria Blair.
— Tu connais les pressions que le capitaine Banks subit de la part du maire ? Ce type est l’un des personnages les plus influents de la ville et…
— Et c’est aussi un être humain qui souffre ! Bon sang, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as perdu toute humanité ou quoi ?

Ellison ne répondit pas et franchit la porte des urgences, Blair sur ses talons. Le jeune homme se demandait ce qui avait pu changer à ce point son partenaire. Jim n’avait jamais été un homme très compatissant mais il n’avait jamais montré une telle froideur.

***


Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Deux hommes vêtus de blouses vertes en sortirent, le pas lourd, les épaules basses. Kerensky sut d’instinct que les nouvelles étaient mauvaises.

— Monsieur et madame Winch, je suis le docteur David Thomson et voici Mark Darcy, l’anesthésiste.

Joy et Largo avaient bondi dès l’approche des deux hommes et attendaient anxieusement de nouvelles de Cathy.

— Je ne vais pas tergiverser, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer.
— Elle est…, balbutia Largo.
— Cliniquement morte. Son cerveau n’a plus été irrigué pendant un certain temps, les dommages sont irréversibles. Nous la maintenons sous assistance respiratoire mais..
— Elle va reprendre conscience… elle va réussir à respirer seule, persista le milliardaire incrédule.

Les regards de Kerensky et Simon se croisèrent. Ils savaient qu’il n’y avait plus aucun espoir et que leurs amis subissaient la pire épreuve pour des parents : la perte d’un enfant.

— Je suis désolé mais il n’y a aucune chance pour qu’elle ne revienne à elle, fit Thomson avant de se retirer.
— Mais…
— Monsieur Winch, le docteur Thomson a fait de son mieux, je vous le garantis. Nous avons mis Cathy sous assistance respiratoire car elle… Je suis vraiment désolé d’aborder le sujet maintenant, dit Mark Darcy, mais votre fille est susceptible de sauver la vie d’un enfant, elle pourrait être un donneur d’organes. Nous avons des tas d’enfants, ici même, qui attendent une transplantation et…
— Comment osez-vous ? Cria Simon en plaquant le médecin contre le mur sous le regard étonné de Kerensky.
— Je cherche à sauver des vies monsieur ! Si nous avions pu sauver mademoiselle Winch, nous l’aurions fait mais cela ne veut pas dire qu’il faille condamner un autre enfant. Je vous demande juste d’y réfléchir, la mort de Cathy pourrait redonner vie à une autre famille. Nous avons 12h avant que cela ne soit plus possible, répliqua Darcy en se dégageant. Je suis à votre disposition si vous avez besoin de renseignements.

Largo n’avait rien entendu et n’avait même pas vu Simon attaquer l’anesthésiste. Sa fille était morte… non, ce n’était pas le terme employé par le médecin mais est-ce que cela changeait quelque chose ? Il ne verrait plus Cathy dessiner, rire aux éclats, grimper sur leur lit le dimanche matin pour une séance de câlins… Un râle franchit lentement ses lèvres, un cri inhumain et incompréhensible. Son cœur était pris dans un étau, il ne sentait plus ses jambes sous lui et se laissa tomber lourdement sur la chaise de plastique orange où il venait de passer quatre heures à attendre un miracle. Joy le vit mais ne fit aucun geste pour aller le réconforter. Les paroles du médecin repassaient tel un mauvais film dans sa tête… assistance respiratoire… dommages au cerveau irréversibles… Cathy, sa Cathy, était morte. Elle ne sentait pas de larmes sur le point de couler, elle ne sentait qu’une immense fureur contre le chauffeur du camion et contre elle, qui n’avait pas réussi à protéger sa fille. Georgi allait faire un geste vers elle mais le regard de la jeune femme l’en dissuada. Elle leur tourna le dos et sortit d’un pas lent de la salle d’attente des urgences, elle avait besoin d’être un peu seule. Simon s’était assis près de Largo. Le Suisse était hébété par la nouvelle, il n’arrivait pas à réaliser que Cathy ne viendrait plus voir « tonton Simon », qu’il ne l’emmènerait plus avec Anna au zoo ou faire du manège.

***


— Madame Kerensky, je peux vous parler un instant ? S’enquit le docteur Gabrielle Matthews.
— Je reviens mon ange, fit Sasha d’une voix douce à Anna.

Les deux femmes s’isolèrent dans le couloir un instant. Sasha, fatiguée, s’appuya contre le mur et dévisagea le médecin qui lui faisait face. Gabrielle avait une quarantaine d’années, des cheveux châtains courts et des yeux verts qui étaient remplis de compassion quand elle voyait des enfants en proie à de graves maladies.

— Je voulais vous parler de l’état de santé d’Anna.
— Il y a quelque chose qui ne va pas dans les analyses que…
— Non, tout va bien de ce côté-là, s’empressa-t-elle de la rassurer. Il ne faut pas que vous perdiez espoir, un donneur est toujours susceptible de se présenter. Anna a besoin de sentir que vous êtes forte, que vous avez confiance. Je ne vous cache pas que, plus les heures vont passer, plus elle va s’affaiblir. Elle est restée sensiblement la même fillette enjouée et dynamique grâce au traitement expérimental dont elle a bénéficiée mais elle ne peut plus en profiter.
— Pourquoi ? S’étonna Sasha.
— Il y a trop de risques – arrêt cardiaque notamment - sur les enfants passés deux jours de traitement. Pour les adultes, nous n’allons pas au-delà de trois jours. Je vous ai expliqué ce qu’il en était quand je vous l’ai proposé.
— Oui, je m’en souviens mais… Dans le cas où un donneur se présenterait comment cela se passerait-il ?
— Nous ne pouvons faire le prélèvement que dans les 12h suivant la mort cérébrale du donneur mais il se peut que la famille ait besoin de plus de temps ou refuse tout simplement. Le reste est plus technique mais nous aurons deux équipes qui travailleront simultanément une sur le donneur, pour récupérer le foie dans le cas d’Anna, et l’autre sur le receveur, pour préparer la greffe. Quand le cas se présentera, je vous donnerai des explications plus détaillées et si vous avez des questions, je suis là pour y répondre, fit Gabrielle avec un petit sourire rassurant.
— Merci. J’avoue que je ne sais pas ce que je ferais si…
— Nous sommes tous égaux devant ce genre de choix cornélien, confirma Gabrielle.

***


— Dis donc gamin, t’es sûr que t’as de quoi me payer ?

Georgi montra un billet de 100 $ au chauffeur de taxi qui lui fit signe de monter. Le trajet se déroula en silence. Le chauffeur surveillait son passager discrètement, se demandant ce qu’il allait faire dans le Queens, un des quartiers les plus célèbres de New-York. Il le sentait nerveux, sur la défensive, le gamin n’avait pas ôté la main droite de la poche de son blouson et le chauffeur se demanda un instant s’il allait le braquer.

— T’as pas l’intention de faire une bêtise au moins ?
— Hein ? Non, non. Vous pouvez arrêter là, annonça Georgi en fuyant son regard.

L’adolescent parcourut les deux pâtés de maison qui le séparaient de la maison de ce fameux John Collins. Après avoir pris quelques renseignements sur lui, Georgi avait pu en déduire qu’il serait seul chez lui. Il n’avait pas de famille et travaillait de nuit dans une boulangerie industrielle. Le début de l’après-midi était à peine commencer et l’adolescent espérait le surprendre dans son lit.

***


— Largo…
— Où est Joy, demanda le milliardaire l’air hagard.
— Je ne sais pas, avoua Simon doucement. Est-ce que…

Le Suisse se rendit compte du ridicule de ce qu’il allait demander. Est-ce qu’il avait besoin de quelque chose ? Bien sûr, que sa fille ne meure pas ! Seulement Simon était incapable de réaliser ce souhait. Il se renferma dans le silence avant de croiser le regard du Russe. Kerensky avait un visage impassible mais les deux hommes se connaissaient, et Simon savait très bien que sa peine n’était pas moins grande même s’il ne le montrait pas. Il se leva et poussa un long soupir avant de se rappeler qu’Anna était aussi à l’hôpital et que Sasha avait peu de chance d’être au courant de la triste nouvelle.

***


Sasha était toujours dans le couloir, réfléchissant aux paroles du docteur Matthews. Il fallait qu’un enfant meure afin de sauver Anna. Comment pouvait-on demander à des parents de faire ce geste dans un tel moment ? Elle-même ne savait comment elle aurait réagit si la situation avait été inversée. Son instinct de mère lui disait qu’elle devait tout tenter pour sauver son enfant, même songer à la proposition de son mari. Elle jeta un coup d’œil dans la chambre de sa fille et constata que la petite s’était assoupie, son lapin au creux de ses bras. Sasha se dirigea vers le distributeur de café. La machine était au croisement d’un couloir et la jeune femme entendit des bruits de pas de l’autre côté, sans pour autant voir les personnes présentes. Elle inséra les pièces dans la machine et attendit que son café soit prêt.

— Dis, tu connais la nouvelle ? Fit une voix masculine dans l’autre couloir.
— De quoi tu parles ? S’enquit une femme que Sasha supposa être une infirmière.
— La fille de Winch est aux urgences.
— Winch… Largo Winch ? Le PDG du groupe W ?
— Exactement. Par contre les nouvelles ne sont pas bonnes, la gamine est décédée. Darcy essaye de décider ses parents à devenir donneur.
— Ça, c’est vrai qu’on en manque mais quand même, c’est difficile comme choix.
— Je sais. Darcy aimerait bien pouvoir aider la fille des russes.
— La petite Anna ? Elle est adorable cette gamine. Je n’arrive pas à comprendre comment elle a pu se faire tirer dessus !
— Aucune idée mais si elle ne reçoit pas un foie très vite, elle va y passer aussi.

Les voix s’éloignèrent mais déjà Sasha ne les écoutait plus. Elle n’eut pas conscience de serrer sa tasse de café tellement fort que le gobelet de plastique céda, recouvrant sa main de café brûlant. Cathy… il ne pouvait s’agir que de Cathy ! Elle était morte et ce docteur Darcy voulait convaincre Largo et Joy de… Sasha sentit un poids sur sa poitrine, elle avait du mal à respirer, sa vision se troubla et ses membres furent soudain pris de tremblements qu’elle n’arrivait pas à contrôler. Ses jambes se dérobèrent et elle tomba lourdement sur le sol. Elle avait à peine conscience de ce qui l’entourait et aucun moyen de demander de l’aide.

***


Georgi jeta un coup d’œil autour de lui. Il n’y avait personne dans la rue mais il prit soin de longer les murs. La maison était silencieuse, il ne voyait aucun ombre bouger à l’intérieur. Il essaya la porte arrière mais elle était fermée à clé. L’adolescent sortit de la poche arrière de son jean un kit de cambrioleur qu’il avait récupéré au bunker et crocheta la serrure. Il entra, Beretta au poing, et tendit l’oreille pour localiser sa proie. Un léger ronflement lui parvenait sur sa droite, il dirigea donc ses pas, sans hésiter, vers la chambre de Collins.

***


Simon sortit de l’ascenseur et fut surpris de trouver quelques personnes autour d’un corps pris de soubresauts sur le sol. Il allait continuer son chemin quand il distingua le visage de la malade. Il s’arrêta net avant de se précipiter vers l’infirmière qui s’occupait d’elle.

— Monsieur, reculez s’il vous plaît !
— C’est une amie, que lui arrive-t-il ? S’enquit Simon en voyant que les tremblements de Sasha ne se calmaient pas.
— Une crise de tétanie.

Simon vit avec horreur les yeux de Sasha se révulser, son corps s’arquer, avant qu’elle ne perde connaissance.

— Restez avec elle, je vais lui trouver une chambre et appeler un médecin.

Le Suisse acquiesça de la tête et prit le corps inanimé de Sasha dans ses bras. Il vit l’infirmière revenir vers lui quelques minutes plus tard et souleva la jeune femme. Au même moment, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur Kerensky. Il voulait prendre des nouvelles d’Anna qu’il n’était pas allé voir depuis plusieurs heures. Ses pensées l’amenèrent inévitablement à sa femme. Il s’en voulait d’adopter un comportement aussi distant vis-à-vis d’elle mais n’arrivait pas à comprendre son refus de passer par le marché noir pour obtenir un greffon. Georgi remarqua Simon, une jeune femme dans les bras, dans le couloir qu’il allait emprunter. Le Suisse ne l’aperçut pas et s’engagea vers la droite. Au moment où il s’y engageait, Kerensky entrevit une masse de cheveux roux qu’il reconnut immédiatement.

***


Collins dormait, allongé sur le dos, inconscient d’être la proie d’un jeune garçon dont la haine pour celui qui avait tiré sur sa sœur allait crescendo depuis quelques heures. Georgi appliqua les cours de self-défense que Joy lui avait donné quelques années plus tôt. Elle avait jugé, à l’instar du reste de l’Intel Unit, que leurs enfants devaient avoir des bases en cas d’agression. L’adolescent, d’un geste vif, tordit le bras gauche de Collins dans son dos tout en se mettant à califourchon sur lui et pressant le canon de son Beretta sur sa nuque.

— Qu’est-ce…
— La ferme, ordonna Georgi d’une voix dure.
— Si c’est de l’argent que vous voulez, vous tomber mal !
— Vous êtes bien John Collins ?
— Oui mais…
— Vous avez loué une voiture il y a trois jours pour…
— Non ! S’écria Collins.
— Nier ne vous aidera pas, au contraire, fit Georgi en lui tordant un peu plus le bras.
— Je le jure ! On m’a volé mes papiers !
— Quand ? Où ?
— Vendredi… je sais pas où… carte bleue, permis de conduire, carte d’identité … j’ai été obligé de tout refaire !

Georgi hésita, se demandant si l’homme disait vrai ? Le profil qu’il voyait ne correspondait pas à l’homme qu’il avait vu mais il pouvait avoir des complices.

— Me faites pas de mal, j’suis un gars sans histoire moi !
— J’ai décidé de vous croire et j’espère pour vous que vous dites la vérité. Si ce n’est pas le cas, je vous retrouverai où que vous soyez, murmura le garçon à l’oreille de Collins avant de disparaître aussi vite qu’il était arrivé.

***


Joy arrêta sa voiture. Elle avait conscience d’avoir roulé un long moment s’en vraiment savoir où elle allait et constata, avec surprise, qu’elle était devant le poste de police. Elle songea à repartir quand elle reconnut un des inspecteurs qui l’avaient interrogée à l’hôpital. Le regard de Blair Sandburg croisa celui de Joy. La jeune femme détourna les yeux mais Blair eut le temps de voir qu’elle pleurait. Il s’approcha avant qu’elle n’ait le temps démarrer.

— Je suis désolé, fit-il doucement.

Joy l’observa un long moment, semblant ne pas comprendre ce qu’il venait de dire. Elle reprit contenance et lui présenta un visage impassible.

— Comment… ?
— L’hôpital nous a appelés pour nous prévenir.
— Je vois… je dois retourner auprès de mon mari, déclara-t-elle la main sur la clé de contact.
— Je crois plutôt que vous avez besoin de boire quelque chose, venez-avec-moi, proposa gentiment Blair.
— Je ne crois pas…
— Je n’ai pas l’intention de vous interroger, je veux juste vous offrir un peu de réconfort. Je ne vous oblige à rien mais si vous acceptez, je suis ici, dit Blair en indiquant un café face au central.

Joy le regarda entrer dans le café sans se retourner. Elle soupira et resta les mains sur le volant une dizaine de minutes, ne sachant si elle devait accepter l’invitation du jeune policier. Elle s’attendait à le voir sortir, las d’attendre mais il n’en fit rien. Elle sortit de la voiture à pas lents et se dirigea vers le café.

***


Sasha reprit conscience mais resta quelques minutes les yeux fermés. Elle entendait deux personnes discuter à voix basses mais n’en reconnu qu’une, celle de son mari, avec une légère intonation inquiète.

— Georgi ? Murmura-t-elle la gorge sèche.

Aussitôt elle sentit la main de son mari prendre la sienne et tenta d’ouvrir les yeux. La lumière vive d’un néon la blessa et elle les referma immédiatement.

— Repose-toi, ordonna doucement Georgi.
— Non… Anna…
— Elle va bien. Simon est avec elle.

Sasha résista face à la douce torpeur qui menaçait de la submerger. Elle entrouvrit les yeux et chercha à s’asseoir. Kerensky l’aida et ils se retrouvèrent soudain plus proches qu’ils ne l’avaient été depuis l’accident de leur fille. Sasha se noya dans son regard azur. Elle n’y lisait plus aucune colère mais de la peur, la peur de la perdre. Le médecin se rappela à leur souvenir en toussotant légèrement.

— Docteur Matthews, que s’est-il passé ?
— Ce serait à vous de nous le dire, répondit Gabrielle en s’approchant.
— Cathy…

Les bribes d’une conversation lui revinrent à l’esprit. Cathy était morte. Non, cela ne pouvait être qu’une erreur, elle avait imaginé cette discussion. La petite était avec Joy et Largo, en sécurité, au groupe W.

— Madame Kerensky ?
— Je… oui ?
— Vous avez déjà eu ce genre de crise ?
— Non, jamais.
— Je veux que vous restiez en surveillance une…
— Je ne peux pas, je dois rester avec Anna, protesta vigoureusement Sasha.
— Chérie, si tu l’avais laissée finir, le docteur t’aurait annoncé que l’on t’avait préparé un lit dans la chambre d’Anna.

Sasha en resta bouche bée. Pas seulement parce qu’ils avaient anticipé sa réaction mais parce que Georgi venait d’user d’un surnom intime qu’il lui avait refusé ces derniers jours. Le docteur sortit de la chambre, laissant les deux époux en tête-à-tête.

— Dis-moi que ce n’est pas vrai, supplia presque Sasha une fois la porte fermée.
— De quoi parles-tu ? S’enquit Georgi qui savait à quoi elle faisait allusion.
— Cathy… elle est vraiment… ?

Le Russe n’eut pas besoin de répondre, Sasha comprit à son attitude que c’était la triste vérité. Sasha arracha sa perfusion et se leva en essayant de ne pas perdre l’équilibre. Au prix d’un grand effort, elle réussit à faire cesser le sol de tourner autour d’elle. Elle s’appuya contre le mur et se dirigea vers la porte.

— Je peux savoir où tu vas ?
— Voir Largo et Joy, annonça-t-elle la main sur la poignée de la porte.
— Sasha, ils n’ont pas besoin de toi pour le moment.
— Comment… comment peux-tu être aussi… Ce sont nos amis, plus même, notre seule famille et tu oses me dire qu’ils n’ont pas besoin de soutien ?
— Ils ont besoin de temps pour accepter…
— Et de savoir que les gens qui les aiment sont près d’eux ! Je t’aime plus que je n’ai jamais aimé aucun homme, Georgi, mais il y a des moments où je ne te comprends pas, déclara Sasha en sortant de la pièce.

***


Simon veillait sur la petite Anna endormie dans son lit. Il avait du mal à réprimer la boule qui montait dans sa gorge, se remémorant les nuits où il avait servi de baby-sitter aux deux fillettes. Le souvenir d’une soirée, pendant laquelle Anna et Cathy l’avaient déguisé en indien, lui revint en mémoire. Il s’était plié à leurs jeux, faisant le bonheur des deux enfants. Un autre souvenir, celui d’une mémorable bataille de farine dans la cuisine du penthouse, le submergea. Des instants si ordinaires sur le moment mais qui, maintenant que Cathy n’était plus là, prenaient une autre dimension. Simon remarqua à peine les deux sillons de larmes qui couraient sur ses joues. Il ferma les yeux, essayant de repousser la colère et la peine au fond de lui.

***


Largo n’avait pas bougé d’un centimètre depuis qu’il savait. Les coudes sur les genoux, la tête entre les mains, le regard rivé au sol. Des gens passaient devant lui, le reconnaissaient, mais il ne les voyait pas. Une seule chose, deux uniques mots tournaient dans son esprit… cliniquement morte… vivante et morte à la fois. Des pas s’arrêtèrent juste devant lui, il vit deux escarpins de femme mais ne bougea pas. La seule personne dont il avait besoin ne portait pas ce genre de chaussures.

— Largo ?

La voix lui semblait familière, chaleureuse, et en même temps inquiète. Il sentit la femme s’asseoir près de lui et sa présence le réconforta un peu. Largo venait de s’apercevoir qu’il était seul depuis un long moment. Levant les yeux, il découvrit le visage pâle de Sasha. La jeune femme avait les yeux fermés, la tête appuyée contre le mur et tremblait légèrement.

— Sasha, prononça-t-il d’une voix rauque.

Elle rouvrit aussitôt les yeux et lut toute sa souffrance, la douleur que lui provoquait ce cruel coup du destin. Ils trouvèrent presque inconsciemment la chaleur des bras l’un de l’autre. Largo se permit de se laisser aller au réconfort que lui proposait son amie tandis que Sasha tentait de maîtriser le malaise qu’elle sentait poindre.

— Cathy…
— Je sais, murmura Sasha, je suis désolée.

Ils restèrent enlacés un long moment, imperméable au monde qui les entourait, avant que Largo ne se reprenne. Il remarqua le bandage sur la main droite de la jeune femme et l’interrogea du regard.

— Le gobelet était percé, donna-t-elle pour toute explication.
— Il faut… il faut que j’aille la voir, murmura Largo, est-ce que…
— Je viens avec toi, finit-elle pour lui.


A suivre...[/center]
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